Par Martin Hoegger*

Arusha, Tanzanie, 8 mars 2018. La première journée de la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation organisée par le Conseil œcuménique des Eglises (COE) a été consacrée à l’approfondissement du thème : « Agir selon l’Esprit : appelés à être des disciples transformés ».

Tour à tour la vie dans l’Esprit saint, l’appel à être disciples et le thème de la transformation ont reçu des éclairages stimulants. Prenons-les, les uns après les autres !

La vie dans l’Esprit Saint 

C’est la nouvelle présidente de la Communion mondiale des Eglises réformées, la pasteure libanaise Najla Kassab, qui a apporté le premier approfondissement sur l’Esprit saint.

Vivre et marcher dans l’Esprit saint c’est vivre dans la liberté. S’ouvrir à lui nous libère de tout conditionnement. Il nous fait découvrir la Parole de Dieu présente dans chaque Eglise.

Vivre dans l’Esprit nous greffe sur Jésus et change notre style de vie.

En partageant son expérience avec les réfugiés au Liban, N. Kassab affirme que l’Esprit nous pousse vers les périphéries existentielles et s’approcher des pauvres change notre manière de vivre la mission :

Vivre dans l’Esprit, c’est aussi porter la Croix du Christ. Enfin vivre dans l’Esprit, c’est apprendre l’amitié. « Un jour tu apprendras qu’il est plus difficile d’être aimable qu’intelligent », dit-elle en citant ce que la grand-mère de Jeff Bessos, fondateur de Amazon, lui a dit un jour.

La vie dans l’Esprit est l’essence de la méthode de prise de décision par consensus qui sera utilisée dans cette conférence, dit la personne qui a présenté cette méthode.

L’Esprit saint anime le corps du Christ car tous ses membres ont reçu des dons. Tous contribuent ainsi à progresser dans la sagesse et à prendre de bonnes décisions. La déclaration du Concile de Jérusalem a été décisive : « Il a paru bon à nous et à l’Esprit Saint »… (Actes 15)

La vie dans l’Esprit saint nous fait encore prendre conscience de l’importance des relations, car l’Esprit saint est la personne de relation dans la Trinité. « Parce que Dieu est Trinité, relations, nous voulons vivre un œcuménisme relationnel », dit le pasteur samoan Upolu Vaai. Se visiter les uns les autres est tellement important. Il appelle aussi à une « éco-théologie » qui met en valeur nos relations avec la création.

 

Disciple et pèlerin

Merlyn Hyde-Riley, présidente du Conseil des Eglises de Jamaïque, a apporté la première étude biblique de cette conférence. A partir du texte de l’envoi des disciples dans l’Evangile de Marc (6,1-9), elle décrit le disciple avant tout comme celui qui suit Jésus. « Nous suivons une personne, pas des règles ni des principes. Au centre de notre foi, il y a Jésus. C’est la relation avec lui qui est décisive ; plus nous sommes proches de lui, mieux nous le comprenons ». C’est dans notre relation avec lui que résident notre authenticité et notre autorité. En lui seul, nous pouvons pratiquer l’hospitalité et la simplicité qui l’ont toujours animé.

Selon Roderick Hewitt, professeur dans une université d’Afrique du sud, deux mots qualifient le chrétien : disciple et pèlerin.

Le disciple est un pèlerin qui a été saisi par le Christ et qui avance dans un « pèlerinage de justice et de paix ». Ce thème du pèlerinage est au cœur de la réflexion et de l’action du COE depuis sa dernière assemblée mondiale en 2013, en Corée.

Le disciple est celui qui rejette les « dieux de notre siècle » dont parle l’apôtre (2 Cor 4,4). Devenir disciple, c’est se détourner constamment des idoles de ce temps pour se tourner vers Dieu (1 Thess 1,9).

Un moment particulièrement fort de cette longue et riche journée a été le témoignage de Mutale Mulenga Kaunda, une jeune théologienne pentecôtiste sud africaine. Elle a raconté ce que cela a signifié pour elle de devenir chef de famille après le décès de sa mère, à l’âge de 17 ans : « J’ai lutté, avec des prières qui semblaient rester sans réponse. Je me suis débattue pour comprendre comment de Dieu guiderait mon chemin vers un avenir inconnu. Face à l’incertitude de l’avenir, la foi en un Dieu de la vie est ce qui m’a permis de rester plus forte ».

Elle souligne l’importance de raconter des histoires de vie. « Elles sont un outil méthodologique qui donnent un supplément d’âme ». Le disciple est une personne transformée qui raconte ce que Dieu a fait dans sa vie.

Le théologien luthérien allemand Christoph Anders cite Dietrich Bonhoeffer qui a longuement réfléchi sur la condition de disciple. C’est un « discipulat » (ou une « Nachfolge », « suivance » selon Bonhoeffer) qui coûte. On ne s’improvise pas disciple, c’est un apprentissage. L’importance de la formation a été soulignée au lendemain du jubilé des 500 ans de la Réformation.

Le disciple, affirme aussi Olav Tveit, secrétaire général du COE, renverse les priorités. Ce n’est plus lui qui est au centre, mais il découvre que l’autre a plus de valeur que lui-même. « Libérer les autres nous libère nous-mêmes et non l’inverse ! Si nous sommes trop préoccupés de nous-mêmes, il y a quelque chose qui ne va pas ».

 

Transformation

Olav Tveit se demande quelles sont les transformations auxquelles Dieu nous appelle ? Sa réponse est claire : la transformation concerne l’être humain dans sa totalité, elle n’exclue personne et selon l’Evangile chacun a besoin d’être transformé. Elle doit pénétrer tous les domaines, elle n’est possible que par la force de l’Esprit. Elle commence dans le cœur humain et s’élargit aux relations. Sans ce travail intérieur, il n’y a pas de chemin vers la justice et la paix.

Les transformations à vivre sont multiples. La conférence en a mentionnées plusieurs. La théologienne congolaise Micheline Kamba Kasongo appelle à inclure les personnes handicapées dans la mission car dès le début de leur ministère, Jésus, puis les apôtres se sont approchés d’eux et leur ont dit : « Lève toi et marche ».

Cette journée du 8 mars était aussi la Journée mondiale de la femme. Un groupe de femmes a appelé à transformer les relations de violence entre les sexes. Une occasion de montrer que le COE veut travailler à rendre une communauté plus juste entre les hommes et les femmes.

Pour ma part, une surprise est venue de l’évêque Geevarghese Coorilos, le président indien de la Commission Mission et Evangélisation du COE. Je ne m’attendais pas à ce qu’un orthodoxe fasse un plaidoyer aussi engagé sur la nécessité de la transformation économique. En se référant au passage du livre des Actes où les apôtres sont accusés de jeter le trouble, il affirme que la mission c’est « bouleverser la terre entière » (Actes 17:6).

La « mission transformatrice » défie les économies injustes et renverse les tables du temple des économies injustes. Elle combat l’influence de Mammon et remplace le monde du consumérisme par le monde alternatif de la communion. « Nous affirmons que l’économie de Dieu est basée sur des valeurs d’amour et de justice pour tous, que la mission transformatrice résiste à l’idolâtrie dans l’économie du marché libre », dit-il.

Pour conclure, je retiens la réflexion du théologien argentin Nestor Miguez pour qui vivre une épreuve transforme. Il nous a dit : « J’ai été poursuivi par la dictature, j’ai reçu des menaces de mort, alors que je luttais pour la justice. La vie m’a transformé. Etre disciple forme et transforme afin de transmettre la vie ». 

 

* Pasteur de l’Eglise réformée du Canton de Vaud, Martin Hoegger est co-président de l’assemblée du R3. Il exerce son ministère dans la communauté de Saint Loup et collabore au projet « Jésus Célébration 2033 ». Il voue aussi une partie de son temps à l’accompagnement spirituel d’artistes. 

 

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