choeur2.ArushaPar Martin Hoegger*

Arusha, 9 mars 2018. Un des évènement pour marquer le 70e anniversaire du Conseil œcuménique des Eglises – la presse s’en est fait l’écho – sera, le 21 juin prochain, la visite du pape François au siège de cette institution genevoise rassemblant à ce jour 348 Eglises protestantes et orthodoxes…

Plus discrète est la Conférence mondiale qui a lieu ces jours à Arusha, au pied du mont Kilimandjaro. Plus de mille personnes y participent, venant de toutes les Eglises, également de l’Eglise catholique et des Eglises pentecôtistes-évangéliques.

L’organisatrice de cette rencontre, la Commission sur la mission et l’évangélisation, reliée au COE, est en effet plus large que ce dernier.

« Tenir cette conférence cette année, nous dit Olav Tveit, le secrétaire général, c’est rappeler qu’au cœur du COE, il y a l’appel de Dieu à la mission ».

Avec précision, le pasteur norvégien affirme qu’unité et mission vont ensemble : « Une Eglise unie est nécessaire pour témoigner du Christ et servir le monde qui souffre ».

Cet événement permet donc de faire le point sur la compréhension qu’ont les Eglises de la mission. En fait au début du siècle dernier, la mission a séparé les Eglises, c’est pourquoi il y eut la première assemblée missionnaire d’Edinbourg en 1910, une des sources du mouvement œcuménique et missionnaire moderne.

Alors quelle(s) compréhension(s) de la mission 70 après la fondation du COE ?

Tout d’abord, toujours selon Tveit, la mission n’est pas une stratégie. Il en va du salut et du partage du don le plus précieux: l’amour de Dieu en Jésus-Christ qui nous réconcilie avec lui et les uns avec les autres. Participer à cette mission de réconciliation est la raison d’être de l’Eglise. C’est pourquoi tout commence par la prière.

Puis le salut doit se manifester dans notre manière de vivre ensemble aujourd’hui. Salut et libération ne sont pas à opposer.

Réfléchir sur la mission implique donc aussi de répondre aux défis de paix et de justice, de se préoccuper de la question des réfugiés et de la relation avec les membres des autres religions. C’est l’accent mis par le COE.

 

Œcuménique et évangélique : ces deux approches sont-elles irréconciliables ?

Pour le théologien protestant coréen Joosep Keum, directeur de la Commission sur la mission et l’évangélisation, l’opposition entre la compréhension œcuménique (comme engagement socio-politique) et évangélique (comme annonce du salut) de la mission n’est plus pertinente. Il faut développer une nouvelle synergie entre les deux approches.

L’archevêque syriaque orthodoxe du Kerala, Mor Geevarghese Coorilos, président de la même commission, rebondit : « Nous ne croyons pas en la dichotomie artificielle entre oecuménisme et évangélicalisme. Des pentecôtistes et des évangéliques sont membres de notre commission. Hier la contribution principale a été donnée par une pentecôtiste. Ici nous faisons converger les deux courants ».

Voici deux autres indices de cette nouvelle convergence ! La conférence du centenaire de la conférence d’Edimbourg (en 2010) a été organisée conjointement par le Conseil pour l’unité des chrétiens de l’Eglise catholique, l’Alliance évangélique mondiale et le COE.

« D’une seule voix, les Eglises ont alors déclaré que le Royaume de Dieu est le but de la mission, que l’Eglise participe à la Mission de Dieu et que la mission est intégrale, à savoir qu’elle concerne tous les domaines de l’existence », affirme J. Keum.

D’autre part un important document « le Témoignage chrétien dans un monde multireligieux – Recommandations de conduite» a été publié conjointement par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le COE et l’Alliance évangélique mondiale.

Dimitra Koukoura, professeure orthodoxe d’homilétique à Thessalonique précise d’ailleurs que le mot « évangélique » vient d’Évangile. La tâche de tous les chrétiens est de transmettre la Bonne nouvelle : « Les chrétiens doivent obéir à ce commandement du Maître. Cela nous unit tous. Le message à annoncer est le même, quelle que soit la confession ».

 

Mission depuis les marges

Toutefois, après deux jours de cette conférence d’Arusha, l’approche œcuménique prime clairement sur l’évangélique. Malgré des temps remarquables de prière, les problématiques sociales, politiques, économiques, écologiques sont très présentes.

Quand deux fleuves se rejoignent, leurs eaux ne se mélangent pas tout de suite. De même il faut un certain temps pour que les deux approches s’intègrent véritablement.

Le document missiologique le plus important de la Commission sur la mission et l’évangélisation est « Ensemble pour la vie ».

Il appelle en particulier à vivre la mission à partir des marges. Un concept missiologique devenu central. « Dieu a choisi les marges pour s’incarner. A la suite du Christ, il faut s’y immerger, dit J. Keum. La mission à partir des marges renouvelle notre vie de disciples. Il n’est d’autre voie que la kénose pour la mission et le mouvement œcuménique ».

Si les Eglises écoutent ensemble la Parole de Dieu et se mettent à l’écoute de ceux qui sont marginalisés, elles initient un « pèlerinage de justice et de paix » qui est un chemin d’unité. Ce thème du pèlerinage imprègne tous les documents actuels du COE.

Il se rapproche d’ailleurs de la pensée du pape François qui rappelle régulièrement que « l’unité se fait en marchant » en sortant ensemble pour rejoindre les périphéries existentielles.

Son message lu par le secrétaire du Conseil pour l’unité des chrétiens, Mgr Brian Farrell, appelle les Eglises à discerner ensemble où l’Esprit saint nous conduit, dans un monde qui a tellement changé, ces dix dernières années.

Le message du patriarche de Constantinople Bartholomée appelle, en revanche, à vivre la mission à partir du centre qui est la liturgie eucharistique, où s’exprime la plénitude de la vie. Mais ensuite « la liturgie après la liturgie » nous envoie vers nos prochains, en particulier les plus déshérités. La « philanthropie » est donc aussi au cœur de la vie chrétienne.

Concluons ce bref survol du sens de la mission avec Justin Welby, le charismatique primat de la communion anglicane qui a aussi envoyé un message vidéo. Il y appelle à un grand réveil. Comme le thème de la conférence est la « transformation », il témoigne : « dans ma vie la plus grande transformation a été l’expérience de la nouvelle naissance. C’est l’œuvre de l’Esprit saint pas la nôtre ».

 

* Pasteur de l’Eglise réformée du Canton de Vaud, Martin Hoegger est co-président de l’assemblée du R3. Il exerce son ministère dans la communauté de Saint Loup et collabore au projet « Jésus Célébration 2033 ». Il voue aussi une partie de son temps à l’accompagnement spirituel d’artistes.

 

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Quelle compréhension de la mission, 70 ans après la création du Conseil œcuménique des Eglises ?

Un avis sur « Quelle compréhension de la mission, 70 ans après la création du Conseil œcuménique des Eglises ? »

  • 13 mars 2018 à 12 h 32 min
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    Comme ça fait du bien d’entendre ces nouvelles! Puis-je vous envoyer les 3 « contes pour la paix » pour ceux qui s’occupent des enfants en SWAHILI, en ANGLAIS et en FRANçAIS?

    Que Dieu vous bénisse tous dans la mise en pratique de ces résolutions!

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