Willy Honegger est pasteur de l’Église réformée du canton de Zurich. Il est membre du réseau « Bible et confession de foi ». Avec son accord, nous publions ici un extrait d’une longue lettre qu’il a adressé à 180 pasteurs de Suisse, également publiée sur le site du réseau. Il y appelle à des communautés confessantes.
Depuis mon enfance et mon adolescence, dans les années 70 et au début des années 80, le renouveau de l’Église était « le » sujet entre protestants. On recherchait ce renouveau dans une liturgie moderne (nouveaux chants, nouvelles formes de culte, langage plus compréhensible, souvent aussi avec des emprunts aux variétés, etc.)
En tant qu’Église, on voulait rencontrer les personnes d’égales à égales. Le pasteur est alors la plus attentionnée de toutes les personnes, on se focalise sur le « thérapeutique » dans la cure d’âme et le conseil et on évite des déclarations théologiques dites « abruptes », etc. On a essayé de positionner l’Église à la pointe de l’actualité. Les mots clés sont « connexion », « pertinence », « adaptation », « orientation vers le groupe cible » ; ils sont devenus des principes qui guident l’action. Inutile de dire que ces principes se sont transformés en dogmes qui dirigent l’herméneutique.
La fin d’une période
Je pense que nous sommes arrivés à la fin de cette période d’un peu plus de 50 ans. Les moyens de « renouveler » l’Église de cette manière sont épuisés. D’innombrables initiatives ont été prises avec des implications personnelles, des expériences authentiques, davantage de participations, des émotions, plus de concrétisations, beaucoup de professionnalisme, plus d’affinités avec le milieu, etc.
De bonnes idées en sont ressorties. Quelques-unes ont amélioré les relations entre les participants. Les services religieux ont été organisés de manière plus originale, les locaux d’église ont été aménagés de manière plus pratique.
Mais, pendant ce temps, qu’est-il arrivé à la substance de la proclamation de la Parole de Dieu ? Qu’en est-il du contenu de notre témoignage à Jésus-Christ ? Pensions-nous qu’une présentation plus moderne en tant qu’institution entraînerait un renouveau spirituel ? Pensions-nous vraiment qu’une meilleure performance regagnerait une génération sécularisée pour Dieu ?
Une crise massive des fondements de la théologie paralyse la prédication qui doit éveiller la foi. Cette crise existe depuis plus de 150 ans – depuis si longtemps que de nombreux théologiens l’ont même intériorisée. Les attentes envers la vie spirituelle ont déjà subi un « downgrading » (un déclassement) et la pauvreté spirituelle n’est que difficilement reconnue comme telle.
L’abandon de la confession de foi
Dans la deuxième moitié du 19ᵉ siècle, la controverse sur le Symbole des Apôtres a ébranlé une grande partie des Églises nationales réformées en Suisse. En conséquence, la confession de foi apostolique a disparu des services religieux. Ce faisant, on n’abandonnait pas seulement un élément liturgique, mais aussi la perspective biblique sur l’histoire du salut. Depuis l’époque de la Réforme du 16e siècle, le Symbole des Apôtres (ainsi que les autres confessions de foi de l’Église ancienne) est une clé herméneutique importante pour la prédication et l’enseignement dans les Églises protestantes. Ce sacrifice a permis d' »acheter » la reconnaissance des Églises nationales. Dès lors, le protestantisme a évité de nommer cette perte de substance, et encore moins de s’en repentir,
Les directions d’Églises de notre pays ressentent ce manque de substance théologique. Dans leur détresse, elles tentent de donner à l’Église une « dogmatique de substitution » non officielle. Selon mes observations, la triade « climat, genre et anti-discrimination » s’y prête actuellement (d’autres courants de pensée postmoderne peuvent être subsumés dans ces trois domaines).
Depuis bientôt 30 ans, je suis engagé en première ligne dans la politique ecclésiale, comme membre du synode de l’Église réformée de Zurich et, depuis bientôt 10 ans, également comme délégué au synode de l’Église évangélique réformée de Suisse.
J’ai remarqué que la plupart du temps, les directions d’Églises ne sont pas des activistes sur les sujets susmentionnés. Elles nourrissent seulement le vague espoir que l’Église puisse encore marquer quelques points au moyen de ceux-ci. Ou alors, elles se sentent menacées par un sécularisme agressif et exigeant. En tout cas, on n’observe pas chez elles des visages rayonnant de joie. Il n’y a pas non plus de chants sur ces thèmes, ni le sentiment exaltant d’un nouveau départ de l’Église.
Ceux qui se savent tenus à une proclamation fondée sur la Bible se sentent de plus en plus à l’étroit. Jusqu’à présent, il était encore possible de se tourner vers les domaines de la diaconie, de l’assistance spirituelle, du conseil ou de la promotion de la pratique de la piété au sein de l’Église, afin d’échapper aux thèmes controversés de l’esprit du temps. Aujourd’hui, cette « dogmatique postmoderne » s’immisce également dans ces derniers biotopes.
Le « post-évangélisme »
Certains ont cherché une solution dans ce qu’on appelle le « post-évangélisme » : il promettait de faire la paix avec les courants de pensée actuels en combinant l’Évangile et la culture. Les thèmes de la « triade » susmentionnée sont alors considérés comme des thèmes secondaires de la foi. Seul le « coeur de la foi » doit être préservé, en ce sens que le Christ reste toujours au centre. Ce qui demeure du centre de la foi après cette cure de jouvence post-moderne reste cependant nébuleux, Quel « Christ » est en effet encore compatible avec celui-ci ?
D’autres restent méfiants face à cette fausse solution lisse du « post-évangélisme ». Ils ne veulent pas simplement désamorcer le message encombrant de l’Écriture Sainte pour échapper à la colère des dieux postmodernes. Mais, comment le prédicateur peut-il tenir bon s’il est tout seul face à cette marée du courant dominant et accapareur ? Nous devons tous redécouvrir la vieille expression « consolatio fratrum » (la parole réconfortante entre frères et sœurs).
C’est donc avec plaisir que j’attire votre attention sur le réseau « Bible et Confession » www.bibelundbekenntnis.ch. Nous décrivons nos objectifs comme suit : « unir – renforcer – encourager ». Certes, notre mentalité helvétique nous incite à suivre notre propre voie de manière aussi individuelle que possible. A cela s’ajoute l’héritage piétiste qui dit : « Travaille fidèlement en petit comité, sois un modèle en silence, cherche partout la paix ».
Il y a là une sagesse spirituelle. Mais, est-ce que tout est dit sur le combat pour la cause de Jésus dans une société post-chrétienne ? Avons-nous déjà vu des militants progressistes dire : « Chacun d’entre nous doit être un exemple dans son lieu et agir en silence » ?
Pour une communauté confessante
Je pense qu’il est urgent que tous ceux qui ont à cœur une Église réformée adhérant à la vérité de l’ensemble des Écritures s’unissent. Bien sûr, toute union est toujours un compromis. Pour nous, théologiens, c’est un défi que de consentir à une communauté qui n’a pas été conçue dans les moindres détails par nos soins.
Réfléchissez donc dans la prière à la question de savoir si ce n’est pas un impératif de l’heure d’entrer dans une « communauté confessante », en tant que paroisse ! Nous nous trouvons dans une profonde détresse spirituelle dans l’Église et la théologie, à cause de la perte de la Bible, donc aussi de la perte du Christ biblique, et finalement de la perte du Dieu vivant tel que l’Écriture Sainte nous le révèle.
Aborder cela de manière directe nous conduit à une situation de combat spirituel. Ainsi des controverses qui auraient dû avoir lieu depuis longtemps éclatent. Pour y faire face, nous devons faire preuve d’un grand courage. Nous devons être prêts à quitter la « zone de confort » de l’Église !
Bien sûr, nous n’avons peut-être pas le temps de le faire, car le travail quotidien dans le ministère réclame beaucoup de nos forces. Mais, l’effondrement rapide de nos Églises nous conduit à fixer les bonnes priorités. Notre génération pourrait être le témoin oculaire de l’évaporation totale de la substance spirituelle dans notre pays !
Sur ce même thème, lire l’article de Martin Hoegger : « L’Eglise réformée peut-elle à nouveau être confessante ».
La prochaine réunion du réseau « Bible et confession de foi » aura lieu le samedi 30 septembre 2023, 9h00 – 17h00, au Theologisch Diakonisches Seminar, à Aarau. Inscription nécessaire au préalable sous : www.bibelundbekenntnis.ch/tagung . Le thème de la conférence sera : « Parlez et ne vous taisez pas« . |
Les réunions du réseau « Bible et confession de foi » ne s’adressent pas uniquement aux ministres, mais à toutes les personnes engagées les Églises réformées et libres.
Sur le site www.bibelundbekenntnis.ch, vous pouvez vous inscrire à sa lettre de nouvelles, vous pouvez vous inscrire à sa lettre de nouvelles
Excellente exhortation à laquelle il me semble manquer l’insistance sur la nécessité d’être de vraies communautés, des lieux où le Corps s’exprime.
MERCI à ce frère pour sa lettre courageuse et son engagement.
Je me réjouis de voir de nombreux pasteurs entrer dans ce combat . Oui nous avons besoin d’une Eglise confessante.