Voici une prédication de Philippe Decorvet

Textes bibliques : Habaquq 2. 1-4 ; 2.b-20 ; 3.18-19

Le prophète Habaquq n’est pas le prophète le plus connu de la Bible, du moins chez la plupart des fidèles. Certes il a joué un rôle décisif dans la vie de Luther, puisque c’est la phrase du chapitre 2 verset 4 – le juste vivra par la foi – citée par l’apôtre Paul dans l’épitre aux Romains qui sera à l’origine de la Réforme. Mais il y a aussi d’autres raisons pour lire ce prophète dont l’actualité est proprement bouleversante. Le début du chapitre 2 est en effet une description de notre société du 21e siècle étonnante. En lisant ces versets, on pourrait même croire qu’Habaquq, qui a vécu à la fin du 7e siècle avant Jésus-Christ, soit il y a environ 2500 ans, est quasiment notre contemporain ! Que dit-il en effet ?

Malheur à celui qui augmente le fardeau de ses dettes !

Tes créanciers ne se lèverontils pas soudain ?

N’est-ce pas actuel cela ? ça ne vous rappelle rien ?

Et Habaquq ne s’arrête pas là ! Dans ce seul chapitre 2, il va dénoncer à 5 reprises des pratiques semble-t-il courantes à l’époque, mais qui pourraient tout aussi bien décrire notre société actuelle ! Avec même une précision stupéfiante !

Certes, ces 5 « Malheurs » concernent essentiellement les Chaldéens contemporains du prophète, ennemis d’Israël et envahisseurs de leur territoire, Mais ils décrivent aussi prophétiquement et mettent en garde notre société occidentale actuelle ainsi que nos Eglises, si elles n’écoutent pas la Parole du Seigneur qui est aussi pour elles.

Le mot malheur qui est répété 5 fois dans ces quelques versets n’est peut-être pas la meilleure traduction, car il peut faire penser à une malédiction, ce qui n’est pas le cas du mot hébreu. Dans sa traduction de la Bible, André Chouraqui précise que ce mot hébreu – Hoïe – est en fait un cri de deuil. Il s’agit donc moins d’une malédiction que d’un cri de souffrance face à la mort. N’est-ce pas comme les larmes de Jésus, le jour des Rameaux, qui s’écrie en descendant le mont des Oliviers et voyant en face de lui la ville de Jérusalem : si toi au moins tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix…Il viendra sur toi des jours où tes ennemis t’environneront de tranchées… ils te détruiront toi et tes enfants… (Luc 19.41-44). Et l’évangéliste Luc ajoute : Jésus pleura. Lui aussi a dû s’écrier Hoïe !

Le 1er Malheur, 1er cri de deuil est particulièrement actuel :

Malheur, Hoïe, à celui qui accumule ce qui n’est pas à lui !

Malheur à celui qui augmente le fardeau de ses dettes !

Tes créanciers ne se lèveront-ils pas soudain ? (v 6).

N’est-ce pas exactement ce qui se passe actuellement et qui est à l’origine de la crise actuelle qui frappe ou a frappé de nombreux pays – et non des moindres ? Tout y est : L’augmentation vertigineuse de la dette accompagnée de la réaction aussi violente que soudaine des créanciers à laquelle personne ne s’attendait.

Le premier « malheur », le premier cri de deuil concerne le pouvoir de l’argent. La Bible n’est pas contre la richesse. Beaucoup de grands hommes de Dieu étaient riches. C’était même pour eux signe de bénédiction (cf. Abraham, Jacob, Boaz, Job). Mais l’Ecriture met en garde contre le pouvoir séducteur et corrupteur de l’argent. Cf. Le jeune homme riche (Mc. 10 17-27). C’est le seul homme, avec Lazare et Jean, dont il est dit expressément que Jésus l’aima. Mais cette rencontre entre Jésus et le jeune homme riche révèle aussi la tentation de la richesse. L’apôtre Paul l’a bien compris quand il écrit à son disciple Timothée : l’amour de l’argent est une racine de tous les maux. (1 Tim.6.10). Jésus aussi a souligné la tentation de la richesse ; il a d’ailleurs parlé de l’argent plus que de n’importe quel autre sujet à part le Royaume de Dieu. Et la Bible parle 2084 fois de l’argent et de la richesse, mais seulement à 215 reprises de la foi et 208 du salut (d’après Earl Pitts de JEM).

De tout temps ce fut un problème pour l’Eglise. Voici ce que dit John Wesley dans un texte souvent cité :… Quel remède apporter pour que notre argent ne nous enfonce pas au plus profond de l’enfer ? Il y a un moyen, et pas d’autre sous le ciel. Si ceux qui gagnent tout ce qu’ils peuvent, et épargnent tout ce qu’ils peuvent, voulaient aussi donner tout ce qu’ils peuvent, alors plus ils gagneraient plus aussi ils croîtraient en grâce et plus ils accumuleraient des trésors dans les cieux. (cité par F. Lovsky : Wesley, p.121).

2e Malheur, 2e cri de deuil :

Malheur, Hoïe, à celui qui amasse pour sa maison des gains iniques.

Afin de placer son nid dans un lieu élevé (v.9)

C’est de nouveau une question d’argent. A quoi cela vous fait-il penser ? Les «  nids élevés » que l’on ne peut atteindre et où l’argent est soi-disant en sécurité, ne sont-ils pas les paradis fiscaux modernes ? Il y a là aussi une actualité extraordinaire.

Le second malheur concerne donc la cupidité, l’égoïsme et l’exploitation du prochain. C’est une conséquence de l’amour de l’argent. Le texte donne aussi des précisions très actuelles : En détruisant des peuples nombreux. On pourrait parler de la cupidité des conquistadores espagnols en Amérique du Sud, ou de la cupidité des trafiquants d’esclaves qui est encore pire. Je me suis laissé dire que la Suisse aussi a profité de ce trafic…

Mais Habaquq ne s’arrête pas là ! Après les deux premiers cris concernant l’amour de l’argent et la cupidité, il parle de violence :

3e Malheur, 3e cri de deuil :

Malheur, hoïe, à celui qui bâtit une ville avec le sang (v.9).

Qui fonde une ville avec l’iniquité.

Le 3e malheur concerne la violence et la malhonnêteté

Là encore, ce 3e malheur concerne d’abord, bien sûr, les Babyloniens qui sont les envahisseurs cruels, mais « à travers eux tous ceux qui en tout temps se comportent de la même manière » (Nouveau commentaire biblique, page 806). Si nous étudions l’histoire de nos sociétés, de nos pays, qu’est-ce qui les caractérise ? Comment nos pays se sont-ils construits ? Et si nous regardons les nouvelles, que constatons-nous, sinon la violence ? Pas seulement en Ukraine, en Syrie ou en Afghanistan, mais dans nos quartiers dits sensibles, dans la violence faite aux femmes (viols, etc). Quant à la malhonnêteté, la tromperie etc. !

N’y a-t-il pas là aussi un portrait de nos sociétés actuelles ?

4e Malheur, 4e cri de deuil :

Malheur, hoïe, à qui fait boire son prochain

A toi qui verses ton outre et qui l’enivres,

Afin de voir sa nudité.

Il s’agit encore de violence et de cruauté (v.17) qu’Habaquq compare à des scènes où des soudards se livrent à toute espèce d’ivrognerie ou de sexualité sans aucune limite. Mais les images choisies sont plus que des images. C’est le déferlement de toutes les passions : alcool, sexe, drogue, c’est le déferlement de l’immoralité sous toutes ses formes.

Le 4e malheur concerne l’immoralité.

Je suis frappé de constater à quel point notre société a perdu le sens de la morale. Ce terme est même devenu obscène ! Plus que l’immoralité, c’est l’amoralisme qui est omniprésent aujourd’hui, ce qui est probablement pire.

5e Malheur, 5e cri de deuil :

Malheur, hoïe, à qui dit au bois : Lève-toi

A une pierre muette : Réveille-toi.

Les prophètes ont constamment attaqué l’idolâtrie. Ils ont même souvent manifesté une ironie féroce à l’encontre de ceux qui fabriquent des idoles, de bois ou de pierre (cf. Es. 44.12-18 ou le Psaume 115).

Il brûle au feu la moitié de son bois,

Avec cette moitié il cuit de la viande…

Et avec le reste il fait un dieu, son idole…(Es.44)

Le 5e malheur concerne l’occultisme

Bien sûr, notre société ne se prosterne pas devant des idoles de bois ! Mais la superstition et l’ésotérisme n’ont pas disparu pour autant ! Ils ont simplement pris d’autres formes. Il n’y a qu’à lire les horoscopes dans la plupart de nos journaux. Et que dire des diseuses de bonne aventure, des voyants, des marabouts, des guérisseurs et des charlatans de toutes sortes ! Sans parler d’un occultisme beaucoup plus fort ou des idéologies inquiétantes et violentes qui radicalisent une certaine jeunesse en mal de vivre et à la recherche d’un sens à son existence ? Certes, là encore, la description d’Habaquq concerne d’abord les Chaldéens et la société de son temps, mais n’est-ce pas aussi la description de notre société contemporaine ?

Face à ce constat assez sombre et triste que va faire Habaquq ?

Il va entreprendre essentiellement deux choses :

1.D’abord il n’a pas peur, ni honte de dire son incompréhension et même sa révolte : il adresse à Dieu toute une série de pourquoi, et lui fait part de ses plaintes et de ses doléances :

Jusques à quand ô Eternel ?… J’ai crié et tu n’écoutes pas.

J’ai crié vers toi à la violence, et tu ne secours pas !

Pourquoi me fais-tu voir l’iniquité

Et contempler l’injustice ?…

Aussi la loi n’a pas de vie (ch.1.2-3).

Là encore Habaquq est très actuel. Ces questions, ces pourquoi, ces doléances ne sont-elles pas aussi celles que de nombreuses personnes adressent au Seigneur. L’immensité de la souffrance est un problème que l’on entend souvent : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas toute cette violence, toutes ces injustices et tout ce mal ! »

Il n’est pas interdit de se poser toutes ces questions. Habaquq, tout prophète qu’il était, se les est aussi posées. Il vaut beaucoup mieux les exprimer – et les exprimer à Dieu – que de ruminer intérieurement sa colère, son incompréhension, sa frustration et ses doutes !

2.Mais le prophète ne s’arrête pas là. Il ne reste pas passif, il veille, comme il dit : il se met en situation d’écoute et il attend que Dieu lui réponde :

J’étais à mon poste, et je me tenais sur la tour

Je veillais pour voir ce que l’Eternel me dirait.

L’Eternel m’adressa la parole, et il dit : Ecris la prophétie ;

Grave-la sur des tables afin qu’on la lise couramment

Car c’est une prophétie dont le temps est déjà fixé,

Elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas :

Si elle tarde attends-la,

Car elle s’accomplira certainement.

Voici, son âme s’est enflée, elle n’est pas droite en lui

Mais le juste vivra par sa foi. (Hab.2.1-4)

Et Dieu a répondu, une réponse extraordinaire, elle projette Habacuc directement en plein Nouveau Testament.

Cette dernière phrase le juste vivra par la foi est en effet citée 3 fois dans le N.T. (Ro.1.17 ; Gal 3.11 ; Heb.10.38) et chaque fois dans un contexte très important qui parle du salut. C’est par la citation de cette phrase que s’ouvre l’épitre aux Romains dont elle est la clé pour comprendre cet écrit fondamental (Ro.1.17). C’est ce texte qui a transformé Martin Luther et a fait de lui le Réformateur qui a transformé l’Europe…

Habaquq, bien sûr, n’a pas vu la totale réalisation de la prophétie que Dieu lui révèle et qui ne se réalisera que 6 siècles plus tard à Bethlehem et à Golgotha, mais il a compris deux choses fondamentales : D’abord que Dieu a la solution à ce qui le tourmente et le révolte. Il n’est pas pris au dépourvu, il connait la situation et il a une solution. Il a un plan de salut qui s’accomplira sûrement. Habaquq peut même déjà le mettre par écrit, Dieu reste souverain.

Ensuite il comprend une deuxième vérité : non seulement Dieu a un plan, mais il interviendra Lui-même. C’est pourquoi dans le 3e et dernier chapitre Habaquq, apaisé, chante et loue son Sauveur :

Mais moi j’exulterai en l’Eternel

Je veux trouver l’allégresse dans le Dieu de mon salut (3,18).

Quelle différence avec les premiers versets de sa prophétie où il clame sa révolte et ses pourquoi ! Quel cheminement Habaquq n’a-t-il pas fait au cours de ces trois brefs chapitres ! Il n’a peut-être pas reçu de réponse rationnelle à ses questions, mais il sait qu’il a un sauveur et que ce sauveur viendra au moment fixé par Dieu car sa promesse est certaine.

Effectivement cette prophétie s’est accomplie à la lettre : Dieu est venu en Jésus-Christ : lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils. (Gal.4.4)Dieu avait bien dit que la prophétie ne s’accomplirait pas tout de suite, mais qu’elle s’accomplirait certainement. Elle s’est accomplie. Jésus est venu. Le Sauveur est là ! « O Jésus ma joie » chantera plus tard J-S Bach.

Habaquq a eu confiance dans les promesses de Dieu. Il a cru sa Parole. Il a cru que Dieu restait souverain même si beaucoup de choses le dépassaient. Il a cru à sa présence et à son amour inconditionnel.

Ce chemin d’Habaquq est aussi le nôtre :

Dire à Dieu ce qu’il y a au fond de nos cœurs.

Recevoir ses promesses, accueillir et croire sa Parole.

Cultiver une vraie relation personnelle avec le Sauveur.

Découvrir le Père.

N’est-ce pas ce dont nos contemporains ont le plus besoin : Retrouver le Père dans un monde orphelin et sans repères.

C’est pour cela que Dieu a envoyé Jésus. Il est le chemin. N’est-ce pas le moment plus que jamais d’écouter le prophète Esaïe qui a souvent été appelé le cinquième évangéliste : Voici le chemin, dit-il au chapitre 30 verset 21 : marchez-y !

Amen

Habaquq : les cinq malheurs de la Société
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