La pandémie de coronavirus a fortement impacté notre monde, y compris la Suisse. Au moment où l’on commence à voir la sortie du tunnel, Antoine Schluchter, pasteur à La Vallée de Joux, se demande ce que nous pouvons [nous] souhaiter.

À l’issue du premier culte célébré après la pandémie, une petite demoiselle revient de l’école du dimanche, perdue dans ses pensées, quand soudain, elle aperçoit son cousin : des semaines qu’ils ne s’étaient pas revus. Son visage s’illumine, elle court vers lui, le soulève du sol et se met à danser : la joie des retrouvailles à l’état pur. On a envie de se dire plein de choses ; et de s’en souhaiter au moment de se quitter. Mais se souhaiter quoi ? – La santé, comme la plupart du temps ? Depuis la pandémie, il me semble qu’on formule d’autres vœux : en gros, qu’on en sorte. D’accord, mais s’en sortir pour entrer dans quoi ? Une reprise là où tout s’est arrêté ? – Pas sûr que ce soit possible, ni même souhaitable. Au Foyer Agapê durement touché par le COVID, ce n’est clairement pas possible. Les résidents qui y sont revenus ont été ravis mais ils ont vite déchanté parce que ce n’est plus comme avant, il y a beaucoup moins de liberté, de spontanéité. En y retournant faire des visites, je les ai sentis passablement déboussolés.

Dans le monde du travail, ce qu’on souhaite, c’est de se remettre à l’ouvrage. Permettre la subsistance des siens, la survie de l’entreprise. Dans les écoles, les enfants interviewés n’évoquent pas leur bonheur de refaire des maths, mais celui de la cour de récréation avec les copines, les copains. Pareil pour les jeunes dans les parcs, au bord du lac ou d’un terrain de foot. Quant aux grands-parents, il suffit de les voir couvrir de baisers leurs petits-enfants.

Besoin viscéral de renouer les liens ; et le sourire béat des petits.

Cela dit, cette crise, et c’est surprenant, voire choquant, a aussi fait des heureux tout en-haut et tout en-bas de l’échelle sociale : les milliardaires et les prisonniers. Certains ont vu leur fortune augmenter tandis que les autres ont recouvré la liberté. Une sorte de grâce imméritée, surtout pour ceux qui croupissaient derrière les barreaux. Et pour vous, et pour nous : quels souhaits de sortie de crise avoir, quels vœux échanger ? Le passage biblique phare de 2 Corinthiens 13, 13 y répond en un mot-clé : bénédiction !

La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.

Tel un caillou jeté dans l’eau, il provoque des cercles concentriques au nombre de trois. C’est une bénédiction divine, trinitaire et effective ; autrement dit, une bénédiction dynamique qui nous met en mouvement pour la transmettre plus loin plutôt que la garder jalousement.

1° Une bénédiction divine

Ce matin, nous méditons un verset qui inclut tous ces éléments de la bénédiction. Il est comme caramélisé de tout le suc de l’Histoire du Salut. Proposé non seulement comme parole initiale –c’est le cas dans la messe ou finale comme souvent au culte, mais en qualité de lecture biblique à part entière.   C’est le cœur battant de ce très spécifique dimanche dit de la Trinité.  Pendant 90 jours, nous avons navigué dans les temps du Carême et de Pâques. Au milieu desquels est plantée la Croix, avant de basculer vers le don de l’Esprit et, pour nouer la gerbe, nous accueillons la bénédiction du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.

Rétrospectivement, Dieu s’est révélé comme Créateur, comme Protecteur, comme Père ; Il s’est ensuite présenté comme Fils, être de chair, comme Sauveur dans les évangiles et enfin comme Présence, soutien, inspiration, habitation de l’Esprit en nous. Et avec lui, par lui, du Père et du Fils : « Moi et le Père, nous ferons notre demeure en lui. » On est au bout de la Révélation de Dieu et de son mode d’action dans le monde. Rien ne viendra s’y ajouter – ni message ni prophète – jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous. Comment ne pas se souhaiter la bénédiction divine ? – Sa bénédiction, sinon rien.

2° Une bénédiction trinitaire  

Ce qui est frappant dans ce verset, c’est qu’il s’agit d’une triple bénédiction trinitaire. Avec trois souhaits portés, manifestés, réalisés chacun par une Personne de la Trinité. C’est un peu le tiercé dans le désordre, on commence par le Fils. Mais c’est voulu : « Quiconque m‘a vu a vu le Père », dit Jésus ; il le met en lumière. Pour résumer l’apport du Fils, c’est le mot grâce qui est utilisé : le Fils nous apporte la grâce, la bienveillance, la faveur divine et manifeste ainsi, dans le concret, l’amour de Dieu le Père. La grâce manifestée dans l’œuvre et dans le don du Fils révèle le caractère profond du Père : son amour. « Dieu est amour », écrira saint Jean. On peut le formuler autrement : parce que Dieu est amour, Jésus nous fait don de la grâce. Enfin, comme l’huile dans les rouages ou les antennes dans les transmissions, l’Esprit est communion, relais ; et il n’émet que des ondes positives. Et comme un bon câble, il y a trois brins dont la mise à terre si je puis dire. Par l’incarnation de Jésus, sa mise en terre et son départ vers le Père avec le don de l’Esprit.

3° Une bénédiction effective 

Une bénédiction divine, une bénédiction trinitaire, une bénédiction effective. Avec ses trois dimensions qui sont en fait les plus fondamentales de toute existence. La grâce qui répond au besoin d’un regard favorable posé sur soi. C’est ce qui constitue l’enfant, le nourrisson et ce sans quoi il sera toujours inquiet. L’amour, ce mot qu’on galvaude peut-être mais dont on ne peut pas se passer. Aimer et être aimé nous donne notre place et donne sens à nos existences. Et comme on ne peut pas vivre tout cela en se regardant dans le miroir ni non plus à travers un écran, fût-il tactile, il nous faut de la communion, du lien. C’est ce qu’on appelle une bénédiction effective, porteuse d’effets concrets dans nos vies. 

On sent bien que ces trois souhaits sont complémentaires, inséparables, fusionnels. Imbriqués les uns dans les autres avec des frontières poreuses, des apports permanents. La grâce n’est pas pensable si elle n’est pas motivée par l’amour et l’amour sonne creux comme un estagnon vide s’il ne produit pas la grâce. Et toute cette dynamique relie, connecte, met en lien, fait la différence. Voir se poser sur soi un regard favorable plutôt que critique et destructeur. Se sentir aimé plutôt que méprisé ; ou pire, objet d’indifférence. Se retrouver associé, intégré, inclus plutôt que seul, mis de côté ou écrasé. Je crois vraiment que ces trois souhaits répondent à trois des plus grands besoins humains.

Et puis, il ne s’agit pas de vœux tributaires de nos variations d’humeur ou de relations, il s’agit de la grâce de Jésus-Christ, de l’amour de Dieu et de la communion du Saint-Esprit. Une grâce pas ‘’billig’’, à bon marché : Jésus a offert sa vie. Un amour sans retenue : Dieu a donné son Fils. Et une communion qui est le choix fait par Dieu de nous relier à lui par le Saint-Esprit.

En mouvement

Nous pourrions passer encore pas mal de temps à creuser ces trois souhaits, à approfondir la nature des trois personnes de la Trinité, leur échange incessant ; et ce ne serait pas du temps perdu. Mais pour conclure, j’aimerais simplement souligner l’idée de mouvement. Dieu révélé comme Père, Fils et Esprit n’est pas statique. Aristote, le philosophe, disait qu’au-dessus de tout il y a le moteur non mû, pas dépendant d’une source d’énergie extérieure. Un peu à la manière d’une pendule Atmos. C’est terriblement statique comme vision.

Tandis que la révélation biblique nous présente un Dieu en perpétuel mouvement ; ça bouge en permanence, il y a une Histoire du Salut, des relations de Dieu avec nous. La grâce de Jésus est offerte avec dynamisme aux humains que nous sommes. L’amour de Dieu vient jusqu’à nous et nous relève. Et la communion de l’Esprit nous associe à la vie du Dieu trois fois saint.

Eh bien, frères et sœurs, notre vie chrétienne aussi est – et doit être- mouvement. Mais pas en mouvement de soi à soi, c’est la limite de la pendule Atmos. Il s’agit toujours d’un mouvement vers l’extérieur, vers le monde. Vers autrui pour lui manifester cette grâce, cet amour et cette communion. 

Dans le fond, ce que Paul souhaite aux Corinthiens pour les bénir – et vous avez entendu dans la lecture que cela résonne comme une dernière parole de sa part – eh bien, nous sommes invités à le souhaiter et à le manifester au monde, à être bénédiction pour le monde à qui Jésus a manifesté la grâce : le monde que Dieu a tant aimé, le monde mis en lien par l’Esprit.

Que se souhaiter, que souhaiter au monde ? – Une bénédiction sinon rien, une bénédiction qui vient de Dieu et se déploie par le Fils, le Père et l’Esprit. Effective pour les humains en attente de grâce, d’amour et de communion.

Alors, que Dieu vous bénisse :

Le Père dont l’amour est sans limites.

Le Fils dont la grâce est surabondante.

Le Saint-Esprit dont la communion est parfaite, amen.

Trinité et pandémie. Des souhaits pour une sortie de crise.
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