Nous avons donné la parole à Pierre-Alain Blanc qui réagit à l’article « L’EERV lance la campagne sur le mariage pour tous ». Son texte a pour but d’ouvrir le débat en se confrontant avec la culture, ainsi qu’avec la société et la théologie. P.A. Blanc, de confession catholique, est enseignant dans le canton de Neuchâtel. Il a particulièrement à cœur les implications pédagogiques du débat.

Dans le débat pour le mariage pour tous, on aimerait familiariser le public avec deux arguments implacables, partant du principe que NOUS, bons citoyens, bonnes citoyennes sommes forcément « pour l’Égalité » et « contre la discrimination… », et, que cela suffirait à nous donner bonne conscience et à voter, OUI – comme la majorité bien-pensante – à la votation concernant le mariage civil pour tous.

Les réflexions suivantes ont pour but d’élargir le sujet et constater que les répercussions touchent différents domaines de la science, de la culture et de la société contemporaine.

Approche linguistique

Sur le plan linguistique, le néologisme « Église inclusive » utilisé dans le texte mériterait une précision. Comment expliquer un tel concept à un individu lambda ? L’utilisation d’une langue quelconque s’inscrit dans un « savoir-commun », généré par un groupe de locuteurs ou à une communauté langagière. À entendre les réactions que suscitent la prise de position de L’EERV, on a l’impression, vu de l’extérieur, qu’il s’agit d’un groupe peu homogène.

Définir le mariage de façon précise et claire – ne signifie pas implicitement que les protagonistes d’un mariage « traditionnel » veulent discriminer ou exclure, comme veut le suggérer l’article. Ce point de vue est réducteur. De quel mariage parle-t-on ? Il s’agit, toujours au plan du langage, de trouver une formulation adaptée, de procéder à une distinction sémantique, de se mettre d’accord sur le sens des mots afin de décider, en connaissance de cause.

Approche éducationnelle

Bien que cela ne soit pas le propos de l’article, je pense que l’aspect éducationnel ne doit pas être oublié dans ce débat. Le regard, comme insiste le pape François dans « Amoris Laetitia », doit englober aussi « ce qui fait le cœur de la spiritualité chrétienne : la famille ». Au sein de nos Églises et communautés, un soin particulier est porté à la transmission de valeurs chrétiennes aux jeunes. Par exemple, lors de préparation aux sacrements ou de l’éveil à la foi. L’aspect spirituel, éducatif et social contribue à cette démarche.

Le choix de l’approche pédagogique, surtout en lien avec des thèmes liés à l’affectivité ou à la sexualité, n’est pas anodin. Ce souci d’adopter la bonne mesure fait écho à la « mainmise », aujourd’hui, de la théorie du « gender » dans ce contexte, et, bien sûr en lien avec le rôle que joue ici la famille. De l’adhésion ou non à l’ « idéologie du gender » va dépendre notre position sur le sujet proposé en votation. Beaucoup de Chrétiens n’adhèrent pas à cette vision, sans montrer pour autant une attitude discriminatoire envers la communauté LGBTQ+ que l’EERV a choisi de défendre.

Mais, pour ne pas rester seulement au plan de la critique, il faudrait définir ou envisager quelques aspects qui ne doivent pas manquer dans une approche chrétienne :

  • Au Val-de-Travers, j’étais fasciné, lorsque le pasteur de l’Église réformée évangélique de Neuchâtel – dans le cadre du cours de religion que nous animions ensemble – parlait aux jeunes sur le thème de la création. Les termes choisis, tirés des deux textes bibliques sur la création, renvoient à des principes d’harmonie, de mesure ainsi qu’à des notions de distinction et de complémentarité etc. Je n’avais jamais perçu aussi clairement auparavant cette trame si ordonnée, naturelle, harmonieuse et « très bonne ».
  • Récemment, j’ai pris l’initiative de réagir à la position du comité du parti Vert libéral neuchâtelois sur la question du mariage. Liée à cette notion naturelle et harmonieuse de la création dont il est question plus haut, je leur ai demandé, si le mariage, tel que défini entre un homme et une femme, ne s’apparente pas, d’une certaine manière, à l’optique d’un parti fondé sur des principes naturels, écologiques. La réponse d’un membre du comité ne s’est pas fait attendre. Elle fut claire et définitive. Pour lui, toutes celles et tous ceux qui touchent à la « sacrosainte » égalité n’ont pas droit au chapitre. Ma position posait donc une limite inacceptable aux yeux de mon interlocuteur.
  • Formé à la pédagogie « TeenSTAR » qui a pour but de transmettre le sens d’une sexualité globale et responsable à des jeunes, je me pose la question cruciale suivante : comment transmettre aux générations futures une éthique sexuelle responsable, suscitant l’émerveillement pour la création et au centre de laquelle la question du mariage, du bonheur prendrait sens. Les chrétiens, femmes et hommes, doivent s’engager sur ce terrain si important. Une alliance avec le politique est incontournable si on veut avoir une incidence réelle, par rapport simplement au contenu de l’enseignement prodigué.

Bien que tourné vers l’apprentissage des langues et l’éducation, je conclus mon questionnement par des considérations plus en lien avec le domaine de la théologie et de l’Église, auquel se réfère l’article.

Aspects théologiques et œcuméniques : quelques questions…

  • Le terme de « débat démocratique », auquel fait allusion M. Coduri dans le texte, me surprend. Il parle même d’« une seule théologie ». J’ai toujours supposé que les Chrétiens se référaient à un patrimoine commun… 
  • Chrétiens, ne sommes-nous pas garants de cette vision naturelle, ordonnée, harmonieuse décrite dans les deux textes de la Création ? Et, pour rester concret, comment cela devrait-il se traduire dans la pratique ?
  • Dans une optique œcuménique, je constate que l’article parle de « Notre Église qui se bat contre toute forme de discrimination… ». Je me sens interpellé : l’Église catholique ne partage donc pas ce but ?
  • Que reste-t-il de cette « désobéissance chrétienne et civile », de ces positions courageuses, à contre-courant, « anti-mainstream », pas mondaines du tout, auxquelles des icônes de nos Églises nous ont habitués tout au long de l’histoire ?
  • Quelle attitude doivent adopter les Églises et leurs conseils envers leurs membres lors de votations sur des sujets sociétaux si sensibles ? Comment parvenir à un discernement ? Cette perspective d’opinion unique, n’est-elle pas contradictoire à la liberté de conscience ? Cela ne constitue-t-il pas également une source programmée de conflits qu’il serait préférable d’éviter ? Ne dérapons-nous pas dans le domaine politique lorsque nous attribuons à une Églises le droit de donner un préavis sur un tel sujet ?  
  • Je trouve étonnant et courageux que des groupes catholiques ainsi que différentes sections du Parti évangélique – pas forcément sur la même longueur d’onde sur d’autres sujets – unissent leurs forces, à travers le pays, pour défendre leur vision commune du mariage. Quel impact auraient les chrétiens en faisant émerger une ligne commune, en déterminant un dénominateur commun ?

Nous avons des choses à dire ensemble !

Pierre-Alain Blanc

Note : Les cours sur le thème de l’affectivité dispensés à des adolescent sont essentiellement donnés par des femmes. « TeenSTAR » forme aussi des hommes pour animer les cours. Ces derniers, pourront mieux s’adresser à des garçons, ce qui favorise le lien pédagogique et prend en considération les différences d’approche, selon l’âge et selon le sexe.                                                                                                         


« Mariage pour tous » : Nous avons des choses à dire ensemble !

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