Cette prédication d’Olivier Delachaux, pasteur à Vevey, nous permet d’aborder de façon toute simple le mystère de la Trinité.

Il y a quelques années, alors que je travaillais avec le comité international de la Croix-Rouge, j’ai eu le privilège d’habiter pendant toute une année avec un collègue de travail musulman nommé Abdou Latif – ce qui signifie serviteur de Dieu – dont je garde un très beau souvenir. Et si le temps ne m’était compté, j’aurais mille et une anecdotes à vous raconter. Mais je me contenterai de vous narrer son air navré le jour où, au cours d’une de nos nombreuses discussions, nous avons parlé de la Trinité. Je l’entends encore, après avoir développé la grandeur et la transcendance d’Allah, me dire dans un grand sourire en secouant la tête : « Dieu ? Avec un fils ? Et en plus une mère, nooon vraiment !». 

Si un Dieu trinitaire est inimaginable pour un musulman – de même que pour un juif – il est loin d’être évident pour tous les chrétiens. Et je me souviens d’un de mes professeurs en théologie qui nous expliquait que le concept de trinité datait des premiers conciles chrétiens. 

Mais, si l’on sonde attentivement les Ecritures, force est de constater que la Trinité est, me semble-t-il, à plusieurs reprises suggérée, et ceci dès le début des Ecritures.
C’est ce que dans un premier temps je vous suggère de voir en nous appuyant sur deux textes de l’A.T. et un du N.T. pour, dans un second, considérer les implications concrètes qu’un Dieu un en trois personnes peut avoir dans notre vie de tous les jours. Et nous le ferons en utilisant l’icône de la trinité de Roublev, que vous trouvez sur le feuillet de culte.

Dans Genèse 18, Abraham s’adresse à trois personnes, tantôt en employant le singulier, tantôt en employant le pluriel. Ecoutez plutôt : 

v. 1 : L’Eternel (singulier) apparut à Abraham.
v. 2 : Abraham leva les yeux et vit trois hommes (pluriel).
v.3 : Il dit : « si j’ai trouvé grâce à tes yeux accepte de t’arrêter chez moi… (singulier).
v. 4 : Alors Abraham dit : «Reposez-vous sous cet arbre» (pluriel). 

Avouez, c’est troublant non ?

Un autre passage de la Genèse – tout aussi troublant – et suggérant lui aussi un Dieu en trois personnes, se trouve au v. 26 du 1er chapitre. Je cite « Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et notre ressemblance (pluriel). v. 27 : Et Dieu créa l’homme à son image. » (singulier). 

L’auteur du livre de la Genèse était-il un cancre en grammaire ou ces fautes de syntaxe sont-elles volontaires et porteuses de sens ? 

La réponse se trouve peut-être dans l’évangile selon Marc, lorsque Jésus apparaît pour la première fois dans l’espace public. A quelle occasion était-ce ? Oui c’était lors de son baptême. En effet à la première apparition du Fils dans l’espace public, le Père se fait immédiatement entendre, je cite des extraits de Marc 1/10-11 : «une voix survint des cieux et dit : celui-ci est mon Fils » et simultanément l’Esprit se fait voir en descendant sous la forme d’une colombe. Ici point de grands développements dogmatiques sur la Trinité, juste une évidence. Le Fils apparaît et le Père et l’Esprit apparaissent immédiatement à leur tour dans son sillage, le plus naturellement du monde. 

Et comme pour encore renforcer le tout, les dernières paroles de Jésus – et nous savons tous que les dernières paroles d’un homme ont un poids tout particulier – mentionnent la Trinité : « Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit» (Matthieu 28/19).

Oui la Trinité est bien au cœur des Ecritures. Une Trinité au coeur de laquelle la relation prime et de laquelle sortent 2 commandements relationnels résumant les 613 commandements de la loi judaïque. Ces deux commandements ? L’amour du prochain et l’amour de Dieu. 

Et c’est là que nous en arrivons à l’icône de la Trinité de Roublev. 

Je vous invite maintenant – pour ceux qui sont d’accord de se prêter à ce jeu – à placer votre doigt sur le pied le plus avancé de l’ange de droite. Etes vous sur le bon pied ? Si oui, je vous invite alors à faire glisser votre doigt le long du dos de l’ange de droite et de continuer le mouvement en passant par la tête de l’ange du milieu puis par celle de l’ange de gauche pour enfin redescendre le long de son dos et arriver au pied le plus avancé de ce même ange de gauche. 

Quelle est la figure géométrique que vous avez dessiné avec votre doigt ? Oui un cercle. Mais un cercle incomplet. Un cercle dans lequel il manque le morceau de circonférence entre le pied de l’ange de gauche et le pied de l’ange de droite. Entre ces deux pieds, il y a un espace que peut-être le peintre a laissé intentionnellement libre pour que le spectateur s’y glisse. Et en se glissant dans cet espace il accède alors à la coupe. Une coupe de laquelle déborde l’amour infini qui circule de façon circulaire entre les trois personnes de la Trinité. Un Dieu un en trois personnes dont l’essence est relation. Relation dans laquelle chacun dit à l’autre : toi. 

Le Père dit au Fils : toi ; le Fils dit à l’Eprit : toi ; l’Esprit dit au Père : toi. Et ainsi de suite dans un éternel mouvement, tel une perpétuelle valse à trois temps où chacun cède la place à l’autre en virevoltant et en disant toi toi toi, toi toi toi, toi toi toi. 

Alors contemplant cette danse trinitaire disant la communion d’amour qui brûle au coeur de la divinité, l’humain est invité à se placer au centre de l’icône de Roublev, à se délecter goulûment de la grâce qui déborde de la coupe et à apprendre à danser à son tour en disant à son semblable : toi, toi, toi; toi, toi, toi; toi, toi, toi. 

Amen

La Trinité et toi !
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