Par Carl R. Trueman
De nombreux chrétiens ont sans doute déjà entendu l’expression « pas d’autre credo que la Bible« . Peut-être un pasteur l’a-t-il utilisée lors de sa prédication ou quelqu’un l’a-t-il utilisée lors d’une étude biblique ou d’une conversation sur ce que les chrétiens sont censés croire. Cette affirmation est concise et claire. Mais la question clé est de savoir si c’est un principe fidèle et utile pour guider notre réflexion en tant que chrétiens sur la vérité et l’autorité chrétiennes.
Une vérité importante
Avant de critiquer la manière dont le principe « pas d’autre credo que la Bible » est parfois utilisé, il convient tout d’abord de comprendre quelle vérité importante ceux qui l’utilisent tentent à juste titre de protéger. Cette vérité est l’autorité unique et la suffisance de la Bible en tant que source et critère de la doctrine chrétienne. Ce principe scripturaire trouve son origine dans la Réforme, lorsque les réformateurs protestants ont affirmé que de nombreuses affirmations de l’Église médiévale – par exemple le purgatoire, les indulgences et la théorie élaborée de la transsubstantiation – non seulement n’étaient pas justifiées par les Écritures, mais étaient même incompatibles avec l’enseignement scripturaire. Il s’agissait d’inventions ou de spéculations d’une Église qui prétendait avoir accès à une tradition de vérité chrétienne indépendante de la révélation biblique.
Dans ce contexte, l’expression « Pas d’autre credo que la Bible » met en lumière une vérité importante : la Bible fournit le contenu de la doctrine chrétienne et les principes permettant de juger si une affirmation doctrinale est vraie ou non. La justification se fait-elle par la foi ? Oui, car Paul l’enseigne dans l’épître aux Romains. Peut-on acheter la faveur de Dieu par l’achat d’une indulgence ? Non. Non seulement la Bible n’enseigne jamais cela, mais elle enseigne le contraire, comme dans le cas de Simon le magicien dans Actes 8. Il faut donc saluer le désir de protéger la suffisance scripturaire.
Mais cela signifie-t-il que les credo et les confessions – des déclarations de foi qui résument l’enseignement biblique – sont problématiques et ne devraient pas avoir leur place dans l’Église ? L’utilisation d’un credo ou d’une confession signifie-t-elle nécessairement que l’autorité unique de l’Écriture a été compromise ? Ce n’est pas le cas. Et il est important de comprendre pourquoi.
Premièrement, nous devons tous reconnaître qu’aucun chrétien n’a « d’autre credo que la Bible » dans un sens complet et exhaustif. Pour comprendre pourquoi, il suffit de réfléchir au fait que personne ne croit simplement à la seule Bible. Certes, tous les chrétiens, du plus grand érudit biblique au plus humble des nouveaux croyants, croient que la Bible signifie quelque chose. Nous le savons parce qu’aucun prédicateur ne se contente de lire la Bible en chaire. Il l’explique et l’applique à l’assemblée. Et aucun chrétien témoignant auprès de ses amis ou de ses voisins ne se contente de leur donner la Bible ; il propose également de leur expliquer comment la Bible doit être comprise. Et ce que nous pensons que la Bible signifie est notre credo et notre confession, que nous l’écrivions ou non.
La relation entre les credo et l’Écriture
Une fois que nous avons reconnu cette vérité fondamentale, la vraie question n’est pas de savoir si les credo et les confessions sont de bonnes choses. La question est plutôt de savoir si le credo ou la confession que nous avons reflète ou non l’enseignement de la Bible. Et c’est là qu’il est utile de comprendre comment les credo et les confessions sont liés à l’Écriture. Ils ne sont pas antérieurs à l’Écriture, en tant que cadre ayant une autorité ultime sur le sens de la Bible. Ils ne constituent pas non plus un courant distinct de la révélation divine qui se tiendrait seul et aurait sa propre autorité. Ce sont des résumés de l’enseignement biblique et donc, en théorie du moins, corrigibles à la lumière de l’enseignement de l’Écriture.
La théologie systématique dispose d’une paire de termes pour décrire cette relation entre l’Écriture et les confessions. Elle appelle la première la norme normative (Norma normans) et la seconde la norme normée (norma normata). Le premier terme protège le bien que représente l’expression « pas d’autre credo que la Bible » : l’autorité unique et ultime de la Bible pour formuler l’enseignement chrétien et juger de la véracité de toute formule doctrinale.
La seconde, cependant, met en évidence une réalité pratique importante : les Églises (et les chrétiens individuels) fonctionnent dans la pratique en énonçant des doctrines chrétiennes sans toujours ressentir le besoin de citer tous les textes bibliques pertinents ou d’offrir un exposé élaboré sur la manière dont, par exemple, la doctrine de la Trinité est tirée de l’Écriture. En bref, l’un des objectifs des confessions est de fournir un « modèle des saines paroles « , pour reprendre l’expression de Paul, qui expose, en bref, une vérité biblique importante (Cf 2 Tim 1,13 : « Retiens dans la foi et dans la charité qui est en Jésus Christ le modèle des saines paroles que tu as reçues de moi »).
L’utilisation d’uncredo ou d’une confession signifie-t-elle nécessairement que l’autorité unique de l’Écriture a été compromise ?
Le meilleur scénario pour les chrétiens est donc de reconnaître que nous avons tous des credo et des confessions – nous pensons tous que la Bible signifie quelque chose et que son enseignement peut être formulé de manière concise et résumer la position de la Bible sur toute une série de sujets importants. Mais nous ne devons pas nous arrêter là. À partir de cette reconnaissance, nous nous tournons vers les grands credo et confessions de l’Église pour voir quels « modèles des saines de paroles » ont été utiles tout au long de l’histoire pour maintenir l’Église fidèle au message de l’Évangile.
Le temps n’est pas une garantie de vérité, mais si un credo – disons celui des Apôtres ou de Nicée – a servi l’Église pendant plus de 1 500 ans, cela en dit long sur la cohérence de son contenu avec ce que dit la Bible. Bien sûr, une Église peut aujourd’hui produire sa propre déclaration de foi. Mais pourquoi réinventer la roue alors qu’il existe déjà des credo et des confessions qui ont fait leurs preuves ?
En outre, l’adoption par une Église d’un credo ou d’une confession historique présente des avantages supplémentaires. Elle rappelle à la congrégation que l’Evangile n’est pas réinventé chaque dimanche. Elle pousse également chaque chrétien à s’identifier à d’autres frères et sœurs à travers le monde aujourd’hui et à travers les âges.
Le presbytérien qui affirme la Confession de Westminster, l’anglican qui affirme les Trente-neuf Articles et le luthérien qui affirme le Livre de la Concorde s’identifient également à de grandes et vastes traditions chrétiennes et se voient ainsi rappeler qu’ils font partie d’une histoire beaucoup plus vaste.
Les credo et les confessions offrent de nombreux autres avantages – doctrinaux, ecclésiastiques et doxologiques – aux chrétiens d’aujourd’hui et à l’Église moderne, mais j’espère que ce qui précède suffira à aiguiser votre appétit pour en savoir plus. Tous ceux qui s’intéressent à la transmission de la foi de génération en génération et de lieu en lieu trouveront dans ces grands documents une aide incommensurable.
Carl R. Trueman (PhD, Université d’Aberdeen) est professeur d’études bibliques et religieuses au Grove City College (USA). Il est l’auteur de « Crisis of Confidence : Reclaiming the Historic Faith in a Culture Consumed with Individualism and Identity ».
Cet article est une traduction de « Unpacking No Creed but the Bible », paru en mars 2024. Voir https://www.crossway.org/articles/unpacking-no-creed-but-the-bible/