La votation pour ou contre le « mariage pour toutes/tous » nous pousse à réaffirmer les bases bibliques et théologiques qui concernent l’homosexualité. Cette étude de Gérard Pella a été présentée à la Société Vaudoise de Théologie en novembre 2020.

Remarques préliminaires : 

1- Le positionnement que l’on adopte à l’égard de l’homosexualité dépend étroitement du positionnement – plus ou moins libéral ou littéral – que l’on adopte à l’égard de la Bible.
Et réciproquement : si on a un ami, une fille, un prof qui a une orientation homosexuelle, on sera plus ou moins libéral ou littéral dans son approche de la Bible sur ce sujet. 

Personnellement, je suis né dans une famille non pratiquante. J’ai été touché par l’amour de Dieu à l’âge de 16 ans, pendant un camp de ski organisé par les Groupes Bibliques des Ecoles. J’ai donc baigné dans une approche évangélique de la Bible depuis mes premiers pas dans la foi. 

Cette orientation a été renforcée par ma première année de théologie (1970-1971), à Tyndale Hall, (Bristol), un Theological College anglican de couleur évangélique, avec des professeurs comme Colin Brown, Alec Motyer et Jim Packer.
Lors de mes études de théologie à la Faculté de Lausanne (1972-1977), je me suis rendu compte que plusieurs options théologiques s’affrontaient et je me suis habitué aux divergences théologiques. Pendant 40 ans, j’ai participé au comité de rédaction de la revue théologique Hokhma, que nous avons créée en 1976 avec plusieurs étudiants en théologie de différentes facultés francophones. 

Je ne me suis jamais intéressé de manière particulière à l’homosexualité. J’ai prêché une seule fois à ce sujet, lorsque l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) a consulté les paroisses au sujet – entre autres – de l’accueil de ministres homosexuels (Prédication du 26 septembre 2004 : « Poser des repères sans jeter des pierres », publiée dans Hokhma No 87 (2005), pp. 120-125). Ce sujet m’a paru soudain capital parce qu’il ne s’agissait plus seulement de divergences d’interprétation entre théologiens. Pour la première fois de ma vie, je voyais le Synode de « mon » Eglise prendre officiellement une décision qui contredisait frontalement l’éthique biblique (janvier 2008). 

En novembre 2012, le Synode de l’EERV a décidé d’offrir un rite aux couples de même sexe qui sont au bénéfice d’un partenariat enregistré. Cette décision a choqué bon nombre de paroissiens et de ministres qui se sont rassemblés à Cugy, à l’invitation du Forum évangélique réformé (FER), fin novembre 2012. Ils y ont adopté la « Déclaration de Cugy » qui demandait au Synode d’accepter un moratoire sur cette décision et d’adopter pour ce dossier la méthode de décision par consensus telle qu’elle est pratiquée par le Conseil Oecuménique des Eglises. Cette déclaration/pétition a été signée par plus de 2’900 personnes et remise au président du Synode au printemps 2013. Le Synode n’a pas accédé à ces demandes et il a précisé la forme de l’acte liturgique qui sera offert aux partenaires enregistrés (Synode de novembre 2013). 

Les remous autour de ces décisions du Synode de l’EERV ont donné l’occasion à des personnes engagées dans le FER de rencontrer des personnes qui ne se reconnaissaient pas dans l’appellation « évangélique ». C’est ainsi qu’est née l’idée de créer un mouvement plus large que le FER : le Rassemblement pour un renouveau réformé (R3). 

Les décisions synodales ont donc été le catalyseur qui a permis la création du R3 mais il serait erroné de penser que le R3 s’est constitué pour lutter contre l’homosexualité dans l’Eglise ou la société. Pour plusieurs raisons : 

  • les décisions du Synode étaient déjà entrées en vigueur quand le R3 s’est constitué ; 
  • le Manifeste de 2015 ne contient qu’une page sur 40 au sujet de l’homosexualité et cette page 32 est publiée dans le contexte d’une réflexion plus large sur le couple et le famille; tout le reste concerne le renouveau del’Eglise, qui est la visée essentielle du R3. 

2- En abordant cette question, on touche à une corde sensible pour beaucoup de personnes directement concernées. Il est donc impératif de commencer par rappeler une des déclarations essentielles du Manifeste bleu : « Nous sommes convaincus que chaque personne particulière doit être accueillie avec respect dans sa singularité et accompagnée pastoralement avec la plus grande sensibilité. » (p.32). Ou encore : « Nous accueillons l’aspiration de chacune de ces personnes à être aimée telle qu’elle est et à avoir sa place dans la communauté chrétienne » (p.32). 

Il faut bien entendre cet accueil de chacun-e dans sa singularité avant d’entendre la suite de notre positionnement :
« En même temps, nous ne pouvons pas offrir un rite ecclésial de bénédiction pour un couple de même sexe. Et cela, par respect pour les textes bibliques tels que nous les comprenons, qui mettent en cause les pratiques homosexuelles (Lévitique 18/22 ; 20/13; Romains 1/26-27 ; 1 Corinthiens 6/9-10 ; 1 Timothée 1/9-11) » (p.32). 

La position du R3 repose donc essentiellement sur un fondement biblique. C’est donc sur le plan exégétique et herméneutique que se joue l’essentiel du débat avec les positions plus « inclusives ». 

Voici – en bref – ce que j’ai compris de la Bible à ce sujet :
Dans la Genèse, la différenciation sexuelle apparaît comme une des composantes essentielles de l’image de Dieu dans l’être humain :
« Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu il le créa ; masculin et féminin (littéralement : mâle et femelle) il les créa » (Gn 1,27).
La différence sexuelle n’est donc pas qu’une nécessité biologique ; elle a une dimension symbolique : elle est le signe par excellence de l’altérité, le fait que l’autre est vraiment, irréductiblement et mystérieusement autre. Et en même temps, elle permet une union entre ces deux personnes si différentes.
Elle reflète par là la richesse de relation que vit la Trinité, la communion entre le Père, le Fils et l’Esprit, dans le respect de l’altérité.
La différence sexuelle est également le reflet d’une altérité plus radicale encore : la différence entre Dieu et l’être humain. C’est cette altérité radicale que toutes les formes d’idolâtrie tendent à estomper. On comprend alors pourquoi l’apôtre Paul présente l’homosexualité comme un des symptômes de l’idolâtrie (Ro 1,25-27).
L’homosexualité refuse l’altérité des sexes ; elle se soustrait aux difficultés, aux bonheurs et à la fécondité que génère une relation fidèle entre un homme et une femme. Elle est stérile par définition. 

Face à cette compréhension « classique » des textes bibliques, on pose des arguments qui ne me semblent pas convaincants :

On nous dit :  » Il ne s’agit que de quelques textes de l’Ancien Testament  »  : Lv 18,22 ; Lv 20, 11-13 en particulier.
 » Si on prenait littéralement ces textes, on devrait donc aussi lapider un fils désobéissant !  » L’argument serait imparable s’il ne s’agissait que du Lévitique. Mais cette condamnation des rapports homosexuels est reprise par Paul, l’apôtre de la grâce : Rm 1, 23-27 ; 1 Co 6,9-11. Nous ne pouvons donc pas disqualifier si facilement ces textes. 

On nous dit : « Les relations homosexuelles à l’époque de Paul (dominant-dominé) n’ont rien à voir avec un couple homosexuel d’aujourd’hui»
Peut-être… Mais les auteurs bibliques ne se basent pas sur l’argument de la domination pour exclure les relations entre personnes de même sexe. Markus Zehnder, professeur d’Ancien Testament en Norvège, est catégorique : « Il est exclu qu’en déclarant les actes sexuels « contre nature », Paul ait eu à l’esprit le point de vue gréco-romain soucieux d’attribuer correctement les rôles actif et passif dans le rapport sexuel. En effet, d’une part il se réfère à l’ordre créationnel de Genèse 1 et, d’autre part, en 1 Corinthiens 7, il souligne clairement qu’homme et femme ont les mêmes droits réciproques sur le corps de l’autre.» (Revue théologique Hokhma, No 93/2008, p.98). Dans le livre d’Innocent Himbaza, Adrien Schenker et Jean-Baptiste Edart concernant l’homosexualité dans la Bible, les auteurs interprètent ainsi Romains 1: « Si la condamnation des actes homosexuels repose sur la théologie de la création, il ne peut être question de rapports imposés, qui seraient condamnables, ou choisis qui seraient acceptables… D’ailleurs… rien dans le texte ne permet de soutenir la thèse de la relation sexuelle imposée par force » (Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible, Paris, Le Cerf, 2007, p. 105). 

Trois observations viennent encore fragiliser l’hypothèse qui voudrait que Paul critique les relations homosexuelles uniquement parce qu’elles sont vécues, dans le monde gréco-romain, comme une domination de l’un par l’autre (et non parce qu’elles contrediraient le couple biblique : un homme et une femme) : 

– Paul condamne explicitement les relations « contre nature » des femmes entre elles ; on voit mal comment le schéma « dominant-dominé » peut s’appliquer ici. 

– Paul parle à ce sujet de relations para phusin et non para agapèn, comme on pourrait s’y attendre si Paul prône simplement « une culture de la réciprocité » qui peut s’exprimer autant par des relations homosexuelles qu’hétérosexuelles. 

– Yves Gerhard, professeur émérite de latin, de grec et de culture antique, relativise la conception « dominant-dominé » souvent invoquée pour interpréter Paul : « Durant mes études de lettres et mon enseignement, j’ai lu tous les jours des textes latins et grecs. Je puis vous dire que les pratiques homosexuelles n’étaient pas fondées sur la violence ou l’asservissement – on peut excepter quelques exemples d’utilisation d’esclaves pour assouvir ses passions (chez Pétrone). » (Lettre du 12 sept 2019 à Gottfried Locher ; cité avec l’autorisation de l’auteur). 

Remarquons la cohérence entre la position de Paul et l’éthique de l’AT. A ce sujet, je m’étonne qu’un bon théologien comme Simon Butticaz puisse interpréter la pensée de Paul sans faire référence à l’Ancien Testament, qui est la première source de la théologie de l’apôtre. 

Quand Jésus ou Paul se démarquent de l’interprétation juive de l’AT, ils ne se privent pas de le dire ! Sur ce sujet, ils partagent manifestement l’orientation hétérosexuelle de l’AT, qui considère une relation homosexuelle comme une « abomination » :
Lv 18,22 : Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination.  

Le mot est fort et mérite d’être interprété :
« Abomination » est la traduction de l’hébreu to-ebah, qui peut évoquer le tohu-bohu du début de la Genèse, c.à.d. le chaos qui a précédé l’action créatrice de Dieu, laquelle a consisté à séparer les ténèbres de la lumière, les eaux de la terre, etc. L’homosexualité est alors considérée comme un retour au tohu-bohu, un brouillage des différences ; elle est à la différence sexuelle ce qu’est l’inceste à la différence des générations. L’inceste est l’autre grand interdit de ce chapitre 18 du Lévitique. » (Cf. Xavier Lacroix, L’amour du semblable, Le Cerf, 1995, p. 150, cité par Andrea Ostertag et Jean-Jacques Meylan, L’amour mal aimé, Dossier Vivre, 2005, pp. 18-19).

On nous dit qu’il n’y a plus ni homme ni femme… 

Il est vrai que ce passage de Ga 3,28 célèbre l’avènement d’une humanité nouvelle en Christ, une communauté qui transcende les discriminations habituelles – au Ier comme au XXIème siècle – discriminations justifiées par l’origine ethnique (ni Juif, ni Grec), le statut social (ni esclave, ni libre), et le sexe (ni masculin, ni féminin). Nous sommes « tous un en Jésus-Christ ». 

Cette confession de foi brise les discriminations mais n’abolit pas les distinctions. Paul va continuer à donner des conseils différenciés aux esclaves et aux maîtres, aux hommes et aux femmes. Nous continuons à vivre dans les réalités avant-dernières. Galates 2 ne permet pas de justifier les relations homosexuelles puisque Paul les considère comme un des symptômes d’une société qui adore la créature plutôt que le Créateur (Rm 1, 24-27). 

Galates 2 permet cependant d’affirmer avec Ed Shaw : « Ce qui me définit le plus dans la vie, ce n’est pas ma sexualité mais mon statut d’enfant de Dieu en Christ » (Ed Shaw, L’Eglise et l’attirance homosexuelle : Mythes et Réalité, Editions Ourania, 2019, p.30). 

 On nous dit : « Il ne s’agit que de 4 ou 5 textes de la Bible… » 

Si l’on veut faire intervenir l’arithmétique comme critère théologique, il faudrait comptabiliser aussi tous les textes qui nourrissent la conception biblique du couple ! Et là, il devient clair que la Bible nous appelle très clairement à privilégier le couple hétérosexuel et monogame. Les déclarations de l’apôtre Paul sont particulièrement fortes à cet égard : « Pour éviter tout dérèglement, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari » (1 Co 7,2). 

L’enseignement de Jésus est sans équivoque lui aussi : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, les fit mâle et femelle5et qu’il a dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. 6Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni!» Mt19,4-6 

C’est cet enseignement biblique fondamental qui fonde notre affirmation dans le Manifeste bleu : « A la différence d’un couple hétérosexuel, un couple homosexuel est, selon nous, incomplet car il exclut de la relation l’altérité et l’union entre un homme et une femme et il exclut de la relation sexuelle la possibilité même d’engendrer un enfant » (p.32). 

Le terme d’altérité désigne ici la différence fondamentale – irréductible et en même temps magnifiquement complémentaire – entre un homme et une femme. Par définition, un couple homosexuel exclut cette altérité (et par la même occasion la fécondité qui peut en découler). Et ce déficit d’altérité n’est pas un détail… comme le montre Jean-Baptiste Edart dans l’ouvrage collectif Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible : « Paul considère que la différence sexuelle est voulue par le Créateur, et qu’elle est une structure fondamentale de l’être humain, caractéristique niée dans l’acte homosexuel » (Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible, Paris, Le Cerf, 2007, p. 92). 

Toute la Bible, du début à la fin, témoigne de cette réalité : tout commence par un homme et une femme créés à l’image de Dieu (Gn1) et appelés à devenir une seule chair (Gn 2) et tout s’achève par le mariage du fiancé avec sa fiancée (Apocalypse 21-22).
Les prophètes, quant à eux, n’hésitent pas à se référer au couple humain pour nous faire comprendre l’intensité de l’amour de Dieu pour son peuple ou pour dénoncer notre infidélité (cf. Ez 16 ; Os 1-3). 

« Le mariage entre un homme et une femme, l’union complémentaire de deux sexes différents, est un point central de toute l’architecture du plan de Dieu pour cet univers, depuis son début et jusqu’à la fin des temps. Ainsi, si vous changez ses constituants (un homme et une femme), vous interférez avec la direction vers laquelle le Créateur dit vouloir guider le monde, à savoir l’unité dans la différence dans le mariage céleste du divin et de l’humain. 

C’est pour cela que le mariage a été défini par certains comme un sacrement (à l’instar du baptême et du repas du Seigneur), en tant que représentation terrestre d’une réalité spirituelle. C’est un tableau divinement peint qui montre une réalité plus grande et, par conséquent, ses éléments constituants ne sont pas interchangeables. (…) Le repas du Seigneur ne représenterait pas correctement tout ce qu’il signifie, si le vin était remplacé par du Coca et le pain par des frites. Nous ne pouvons donc pas appeler mariage quoi que ce soit d’autre que l’union sexuelle permanente entre un homme et une femme sans porter atteinte à sa signification centrale, celle d’illustration de la consommation passionnée de l’amour de Dieu pour son peuple.» (Ed Shaw, L’Eglise et l’attirance homosexuelle, éditions Ourania, tr.fr. de The Plausibility Problem : The Church and Same-Sex Attraction, Inter-Varsity Press, 2015, pp. 88-91). 

 On nous dit que l’homosexualité n’est pas un choix 

J’ai répondu à cet argument dans un article déjà publié sur le site du R3 : https://www.ler3.ch/ce-nest-pas-un-choix/

On nous dit que nous réintroduisons par là une « justice au mérite » 

C’est Simon Butticaz qui lance cet argument dans Le NT sans tabous, Genève, Labor et Fides, 2019, pp.110s. 

Je vois là un grave malentendu :
Quand le Manifeste bleu déclare que « nous ne pouvons pas offrir un rite ecclésial de bénédiction pour un couple de même sexe » il ne parle pas d’accès au salut mais de bénédiction d’un couple.
C’est l’apôtre Paul – et non le Manifeste bleu – qui liste un certain nombre de comportements qui ferment l’accès au Royaume :
« Ne savez-vous donc pas que les injustes n’hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les pédérastes, 10ni les voleurs, ni les accapareurs, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les filous n’hériteront du Royaume de Dieu » (1 Co 6, 9-11 TOB). 

Paul semble donc défendre bec et ongles la justification par la foi plutôt que par les oeuvres et – en même temps – mettre en garde contre un certain nombre de comportements qui empêchent d’entrer dans le Royaume. C’est particulièrement clair dans l’épitre aux Galates : Paul pose aussi bien le principe de la justification par la foi (2,16) que la mise en garde contre les oeuvres de la chair qui empêchent d’hériter du Royaume (5,19-21). 

N.B. Le mot « comportement » est probablement trop faible encore pour décrire ce qui ressemble à une façon de vivre qui colle à la peau, plus encore qu’un comportement plus ou moins occasionnel. En effet, Paul ne parle pas de débauche – par exemple – mais de débauchés. L’attitude profonde qui ferme les portes du Royaume est bien décrite par Jean : « Si nous confessons nos péchés, fidèle et juste comme il est, il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute iniquité. Si nous disons : « Nous ne sommes pas pécheurs », nous faisons de lui un menteur et sa parole n’est pas en nous » » (I Jn 1, 9-10). 

Pour ne pas « bafouer la gratuité de l’Evangile », faudrait-il jeter à la poubelle toute « loi » biblique pour ne garder que l’amour inconditionnel que Dieu nous offre en Jésus-Christ ?
La théologie réformée classique a formulé de manière très éclairante le rôle de la loi biblique. Elle n’oppose pas de manière simpliste la loi et l’Evangile, comme si l’Evangile rendait totalement inutile la loi biblique. La loi garde 3 fonctions ou « usages » : 

A) Restreindre le mal dans la société (usus politicus) : « tu ne tueras pas ; tu ne voleras pas… »
B) Conduire les gens au Christ (usus elenchticus) en révélant à la fois la volonté de Dieu dans toute son ampleur et la condition humaine dans toute sa noirceur. « La loi est spirituelle ; mais moi, je suis charnel, vendu comme esclave au péché (Rm 7,14). « L’Ecriture a tout soumis au péché dans une commune captivité afin que, par la foi en Jésus-Christ, la promesse soit accomplie pour les croyants » (Ga 3,22). La reconnaissance de notre aliénation nous conduit aux pieds du Christ, qui incarne le pardon de Dieu pour nous. 

C) Apprendre aux croyants comment aimer Dieu et leur prochain (usus didacticus). Les commandements bibliques éclairent ce que veut dire le verbe « aimer » comme Dieu le conçoit. 

En rappelant la « loi » biblique concernant la sexualité, nous n’excluons ni ne condamnons personne ; nous n’introduisons pas une nouvelle condition à remplir (être hétéro) pour mériter l’amour de Dieu. 

  1. Nous aidons notre société à poser des repères. En l’occurence, ceci est un mariage ; cela n’en est pas un. Nous ne sommes pas en train de poser un jugement moral sur des personnes mais nous recherchons une certaine cohérence éthique et théologique. Quand une assemblée d’Eglise comme la FEPS – désormais l’Eglise Evangélique Réformée Suisse – prend officiellement une position qui contredit les textes bibliques, elle sape ses fondements. « Cette Eglise, qui remet ainsi (implicitement ou explicitement) en cause l’anthropologie de la Parole qui la constitue, déconstruit, de fait, ses bases symboliques (…) En psychanalyse, comme en psychothérapie, on parle – lorsque ceci se produit – d’atteinte au cadre, voire de « déliaison pathologique du lien institutionnel » (Pierre Glardon, op.cit., p.219). 
  • Nous aidons nos contemporains à prendre conscience de notre condition humaine : tous, d’une façon ou d’une autre, nous transgressons la volonté de Dieu ; tous, hétéros comme homos, nous ratons la cible de mille et une façons, et tous nous ne pouvons compter que sur la grâce de Dieu, incarnée en Jésus-Christ, pour nous tenir en sa présence. C’est ici – et non dans notre comportement plus ou moins choisi et subi – que se trouve le seul choix fondamental : croire ou ne pas croire à l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ (Jn 3,36). 
  • Nous encourageons les chrétiens à ne pas se conformer au monde ambiant mais à se laisser transformer par le renouvellement de leur être profond pour discerner quelle est la volonté de Dieu pour eux, leur couple, leur famille, leur société (Rm 12,2) 

La grande difficulté est de parvenir à tenir ensemble l’accueil respectueux de chacun-e, quelle que soit son orientation sexuelle, et le refus d’un rite pour couples de même sexe
Ce refus sera presque toujours compris comme un jugement voire un rejet… Un détour par la polygamie permettra peut-être de comprendre comment on peut respecter une personne sans pour autant bénir sa forme de conjugalité. 

La polygamie est une « orientation sexuelle » couramment pratiquée, aujourd’hui comme hier, en Suisse comme en Afrique, même si elle prend des formes variables. L’homme semble avoir de la peine à se contenter de la relation sexuelle avec une seule femme. D’où un grand nombre de mises en garde bibliques contre la convoitise, l’adultère ou la prostitution. Remarquons à ce sujet qu’à l’aune de la Bible il ne suffit pas que les partenaires soient consentants pour que leur union soit acceptable… 

La polygamie est pratiquée dans la Bible elle-même et par des personnages aussi respectables et bénis qu’Abraham, Isaac, Jacob, David ou Salomon. Il n’y a cependant aucun rite pour partenaires polygames dans les Églises que je connais. Nous pouvons sincèrement respecter ces personnes sans pour autant approuver leur forme de conjugalité. Ce refus n’implique aucun jugement sur la personne d’Abraham ou David. Il exprime simplement le choix de valider et valoriser le couple monogame préconisé par le Nouveau Testament. C’est ce choix que le Rassemblement pour un renouveau réformé exprime dans son Manifeste bleu

Que se passe-t-il lorsqu’on légitime théologiquement les relations homosexuelles ?
– On crée un décalage, pour ne pas dire un choc frontal, entre les déclarations de la Bible et celles de la théologie. Un exemple :
« Bien qu’ils connaissent le verdict de Dieu déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles actions, ils ne se bornent pas à les accomplir, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent » (Ro 1,32)
« L’homosexualité tout comme l’hétérosexualité font partie de la création bonne de Dieu et de sa diversité. »( Michael Wolter, Der Brief an die Römer, vol.1, p. 154 ; cité par Simon Butticaz, op.cit., p. 124). 

 – On creuse l’écart entre l’Eglise réformée et les Eglises qui gardent une éthique plus proche des textes bibliques. 

–  On balaie les convictions d’une minorité de pasteurs et de paroissiens qui ont une interprétation « classique » de la Bible pour répondre à la demande d’une minorité de paroissiens qui se déclarent homosexuels. Qui a vraiment besoin que l’Eglise réformée suisse propose une bénédiction de mariage pour couples de même sexe ? Une infime minorité !

Selon les statistiques officielles de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, il y a eu – pour tout le canton – une demande de bénédiction en 2013, deux en 2014, trois en 2015, une en 2016 et une en 2017. Plutôt que de mettre toute l’Eglise sous pression pour changer sa définition du mariage et ses rites, plutôt que de demander à l’Eglise tout entière d’entrer en choc frontal avec les textes bibliques, n’y a-t-il pas d’autres façons de répondre aux besoins des couples de même sexe ? 

– On brouille les repères pour les adolescents qui sont dans une période de recherche d’identité. L’homosexualité devient alors une option parmi d’autres, à tester sans retenue (selon le témoignage d’une maman de gymnasiens vaudois). 
« Comme d’autres, je ne suis pas convaincu par l’argument que l’on « naît » homo ou hétéro. La conscience sexuelle n’émerge qu’avec l’âge et va normalement de pair avec la double découverte de son propre corps et de l’altérité. A une époque où on ne cesse de dire que les rôles respectifs d’hommes ou de femmes sont des constructions culturelles bien plus que naturelles, il est pour le moins étonnant (ou révélateur d’une certaine volonté d’interpréter les données en fonction de ce qu’on veut démontrer) de constater une insistance forte pour considérer que l’homosexualité échappe à cette règle et soit considérée comme relevant de la nature intrinsèque de la personnalité, en dehors des cadres culturels formateurs » (Jean-Claude Thienpont, « Unio Reformata. Entre loyauté et résistance », Hokhma No 117/2020, p.75). 

Comme l’exprime si bien Jésus en parlant de ses disciples comme du sel de la terre et de la lumière du monde, l’Eglise est à la fois pleinement dans le monde et porteuse d’une saveur différente. Elle est appelée à poser des repères (lumière) pour que tous ceux qui l’entourent puissent orienter leur marche ou se démarquer en connaissance de cause. Poser des repères sans pour autant jeter des pierres me semble être une des missions capitales de l’Église. Je vois l’Église de demain comme une minorité qui donne de la saveur et ose se démarquer plutôt que comme un caméléon qui reflète les opinions de son entourage et contribue ainsi à la « grande confusion » dénoncée par l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains (1, 24-32). Voir mon article https://www.reformes.ch/blog/gerard-pella/2019/09/la-future-eglise-suisse-sera-t-elle-un-cameleon

– On participe – volontairement ou non – à la déconstruction de l’éthique chrétienne du mariage.

–  On cautionne – volontairement ou non – l’agenda des minorités sexuelles, qui recherchent infiniment plus qu’une bénédiction de mariage : le droit d’adopter des enfants et l’accès à la procréation assistée, voire à la gestation pour autrui. On ouvre la porte de nos écoles ou de nos bibliothèques à des visions du couple qui sont aux antipodes de la conception biblique. 

Un exemple : la bibliothèque de Vevey propose des ateliers et des tables rondes autour des différentes pratiques sexuelles. C’est ainsi qu’elle invite une drag queen dont le programme est clair : « Je viens juste stimuler l’imagination, favoriser la fluidité des genres, casser les codes, sans vouloir choquer ou faire du prosélytisme » (24Heures du 25-26 janvier 2020, p. 9). 

Conclusion 

• « Nous ne pouvons pas offrir un rite ecclésial de bénédiction pour un couple de même sexe ». 

• « Nous voulons accueillir avec affection, amour et sensibilité, et accompagner selon l’Evangile… » Extraits du Manifeste bleu, p.32 

Gérard Pella, Attalens, novembre 2020. 

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