Pour l’assemblée du R3, le 23 septembre, nous avons demandé au professeur David Bouillon ce que signifie pour lui, pasteur réformé, d’enseigner à la Haute école HET-PRO. Voici sa réponse.

Je me baserai sur la formule récitée tous les jours par plusieurs communautés de soeurs protestantes (les diaconesses de Reuilly et de Strasbourg, les soeurs de Pomeyrol et de Grandchamp) :

Prie et travaille pour qu’Il règne

Que dans ta journée, labeur et repos

Soient vivifiés par la Parole de Dieu.

Maintiens en tout le silence intérieur

Pour demeurer en Christ.

Pénètre-toi de l’Esprit des béatitudes :

Joie, Simplicité, Miséricorde.[1]

  1. « Prie et travaille pour qu’il règne ».

La Réforme, je la comprends comme une volonté de réinscrire l’Eglise dans le dessein de Dieu (Titre d’un ouvrage de Suzanne de Dietrich). Le cœur de l’Évangile n’est-il pas la manifestation du Royaume ? Si ce n’est pas Dieu qui est Seigneur, nous risquons de laisser la place à d’autres autorités. Ainsi, je ne me reconnais pas dans le titre du livre des professeurs Gagnebin et Picon qui définissent le protestantisme comme « la foi insoumise » (même si cela s’explique par un refus de la Tradition mise en avant par le catholicisme). Débusquer tout ce qui pourrait nous détourner du règne de Dieu, cela passe par la formation, en particulier ici à la HET.

2. « Maintiens en tout le silence intérieur pour demeurer en Christ »

Le monde actuel est empli de bruits, de discours qui veulent s’affirmer au détriment des autres ou simplement détourner notre attention et notre cœur de l’essentiel révélé. Il peut sembler que la voix de l’Eglise soit devenue inaudible, mais n’est-ce pas précisément au silence que Dieu nous invite quand il nous dit : « Écoute ! ». D’où aussi l’accent mis à la HET sur la formation et la pratique spirituelle (retraite, cultes, respirations spirituelles…). Il y a aussi sur ces points un bel héritage réformé qui peut être ravivé.

3. « Pénètre-toi de l’esprit des béatitudes » 

Mes vingt ans de ministère dans des églises réformées en Belgique, en France et maintenant en Suisse m’ont montré un visage du protestantisme qui n’est pas toujours le plus humble. Ne serait-ce que par opposition aux catholiques, nous nous croyons un peu meilleurs chrétiens (ou en tout cas moins mauvais). Certains, qui se réclament de la théologie dite « libérale », voient parfois les réformés confessants (sans parler des évangéliques) comme prêts à basculer sur la pente du fondamentalisme.

Mais il me semble que c’est une mauvaise compréhension de l’histoire de considérer que la Réforme serait le couronnement du christianisme (et telle ou telle école théologique du protestantisme, le nec plus ultra du protestantisme). Pour moi, la Réforme a porté le souci du peuple et donc pris en compte les petits et les humbles (il suffit de penser aux nombreuses œuvres issues du protestantisme et en particulier des mouvements de réveil).

Le défi est de sortir le protestantisme de son isolement croissant, surtout par rapport aux autres chrétiens. La HET est un cadre propice pour vivre cet échange qui nous enrichit. Nous collaborons avec toutes les familles évangéliques présentes en Suisse romande, mais aussi avec l’Université catholique de Fribourg. Nous proposons aussi des cours sur l’orthodoxie et l’œcuménisme.

David Bouillon

[1] Texte inspiré de la règle de Saint Benoît et copié du site: https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraternité_spirituelle_des_Veilleurs#Engagements_des_Veilleurs

En 1944, Roger Schutz, plus tard fondateur de la Communauté de Taizé, rédige une Introduction à la vie communautaire pour ce qui s’appelle à l’époque Communauté réformée évangélique de Cluny. L’ouvrage est imprégné de la méditation des Béatitudes, et cite plusieurs fois Wilfred Monod. Ailleurs, Schutz écrit : « Pour nous solidariser avec les Veilleurs, nous avons remanié notre dernière Règle dont l’importance était toute franciscaine et nous sommes allés jusqu’à employer leurs expressions avec l’espoir de nous rattacher sur un point à une tradition très neuve certes, mais qui est une réponse à un des besoins présents de l’Église ». Il rédige le petit texte qui deviendra pour Taizé, Pomeyrol et Grandchamp un condensé de la Règle communautaire.

Un professeur réformé dans la Haute École de théologie. Pourquoi ?

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