Nous publions le message prononcé par le pasteur Vincent Schmid à l’occasion de la célébration « Dies Judaïcus » (Le jour du Judaïsme), le 13 mars 2022 en l’Église Saint-Antoine de Padoue, Genève

Jusqu’à ce point dans le récit biblique il était question de l’alliance générale que Dieu contracte avec tous les êtres vivants à la suite du déluge, que l’on appelle l’alliance noachique.

Maintenant est mentionnée pour la première fois dans le texte l’alliance spécifique passée avec Abram. Comme vous le savez, dans la Bible une première mention est importante parce qu’elle livre le berceau de sens.

L’alliance dont il s’agit ici a un contenu: la promesse d’un peuple nombreux et la promesse d’une terre pour ce peuple.

Il s’agit d’une initiative de la part de Dieu dans laquelle il engage sa Parole.

Dieu conclut un pacte dont il se porte garant.

Je veux en souligner la dimension juridique. Parce que l’alliance est fondée en Dieu et sa Parole, elle offre une sécurité de droit absolue. La sûreté et la solidité de l’alliance sont sans commune mesure avec ce dont l’homme est capable et ce dernier ne peut en aucune manière la défaire. L’alliance est immuable comme la Parole de Dieu elle-même.

Certes elle sera par la suite rappelée à diverses reprises et complétée au Sinaï par le don de la Loi : un peuple, une terre, une loi…

Mais en aucun cas elle n’est susceptible d’être remise en cause ou remplacée, pour la raison que Dieu ne revient jamais sur sa Parole.[1]

Ces considérations basiques sont de grande conséquence pour les chrétiens que nous sommes, quelle que soit par ailleurs la communion à laquelle nous nous rattachons.  J’en vois trois principales.

Contrairement à une errance théologique que l’on espère définitivement dépassée, il n’y a pas de substitution possible d’une alliance par une autre dans le projet de Dieu. Il est inconcevable qu’un peuple, celui d’Abram, soit remplacé par un autre peuple, celui de Jésus-Christ. Cela est impossible parce que Dieu ne se dédit jamais (ses promesses sont sans repentance écrit l’apôtre) et qu’il ne peut se mettre à maudire un beau matin ce qu’il bénissait la veille. Car alors il ne s’agirait plus du même Dieu.

Donc il appartient aux chrétiens de clarifier leur propre rapport à l’alliance (par exemple qu’appellent-ils « nouvelle alliance », question ouverte ?) et par extension au judaïsme. St Paul encore donne la direction : ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte…

Ensuite s’impose à nous une autre logique de lecture et d’interprétation. Puisque les chrétiens ont tenu à arrimer leurs propres textes à la Bible juive, qu’ils apprennent à lire !

Sachons envisager les Évangiles à partir de la Bible et de la tradition juives et pas l’inverse. C’est la racine qui porte le rameau et pas le contraire. Un peu d’humilité ne nuit pas et surtout ouvre sur de nouveaux champs de compréhension et de nouveaux positionnements.

Enfin le retour des chrétiens à la source juive qui est à l’origine de leur propre élaboration spirituelle est sans doute une condition essentielle de l’avancement de leur dialogue œcuménique interne. Sans cet éclairage décisif, nous risquons fort de tourner en rond.

Prendre conscience de notre relation commune à l’alliance est certainement la clé d’une meilleure compréhension entre nous.

Puisse l’Esprit Saint nous en donner le désir et l’énergie

Amen


[1] Ce point a beaucoup retenu l’attention de Jean Calvin. Dans l’Institution Chrétienne, il affirme que « l’alliance faite avec les Pères anciens en sa substance et vérité est si semblable à la nôtre qu’on peut la dire une même avec icelle ». Il ajoute que « le peuple d’Israël est pareil et égal à nous en la grâce de l’alliance » (II, 10).

Concernant la différence entre les deux Testaments, il écrit « je reçois volontiers toutes les différences que nous trouvons couchées en l’Écriture, mais à telle condition qu’elles ne dérogent rien à l’unité que nous avons déjà mise, comme il sera aisé de voir quand nous les auront traitées par ordre » (II, 11).

Sur la relation entre Jean Calvin et les juifs, lire ci-dessous l’étude de Vincent Schmid.

« Le Seigneur conclut une alliance avec Abram» (Gn 15,18). Juifs et chrétiens, héritiers d’une même alliance.

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