Le Rassemblement pour un renouveau réformé est un mouvement suisse romand. Mais il faut reconnaître que la proportion de Vaudois est écrasante ! Nous sommes donc très reconnaissants de pouvoir faire entendre une voix neuchâteloise par cette prédication d’Ursula Tissot, prononcée dans la Collégiale de Neuchâtel.
Le lectionnaire nous propose pour aujourd’hui trois passages de l’Ecriture :
Es.58, 7-10 Partagez et recherchez la justice
Mt 5, 13-16 Soyez le sel, soyez la lumière
1 Cor. 2, 1-5 Paul dit à la communauté de Corinthe qu’il ne veut rien savoir d’autre parmi eux que Jésus Christ et Jésus Christ crucifié.
Quel dénominateur commun entre ces 3 passages ?
Pour le partage et la justice qui plaît à Dieu, et pour l’injonction d’être le sel et la lumière, ce sont des conseils normaux pour que la vie sur terre soit possible et on voit beaucoup de belles personnes, généreuses, qui cherchent la justice et qui en paient le prix partout dans le monde, car l’amour est un ingrédient naturel de l’humanité. Chaque être humain est capable d’amour, s’il n’a pas été abimé ou blessé ou dressé à la dure. Chaque être humain a aussi un besoin vital d’amour.
Pas besoin d’être religieux pour cela.
Quant au 3ème texte, 1 Cor.2 1-5 c’est Paul lui-même qui dit qu’il s’est présenté à la communauté de Corinthe non pas avec des discours prestigieux et empreints de sagesse humaine. Il pensait sans doute à la philosophie ambiante, et il en aurait eu les capacités, mais il s’est présenté à eux faible, craintif et tout tremblant.
Pourquoi ?
Parce qu’il voulait que la puissance de l’Esprit passe à travers lui, et que cette puissance soit une démonstration de la puissance de Dieu.
Et quel est l’objet de cette puissance ? LE CHRIST CRUCIFIE !
Pourquoi Paul dit qu’il est tout tremblant, plein de peur, en se présentant aux Corinthiens et en leur parlant de sa foi ?
Parce que son message de la bonne nouvelle, c’est de la pure folie.
- un Dieu qui s’est fait homme, Jésus
- qu’on attendait comme Messie, Christ
- et qu’on a crucifié ?
Humainement c’est de la pure folie, surtout quand on sait que la crucifixion, c’était un supplice horrible, dégradant, qui permettait de mettre au rebut les indésirables.
Y a-t-il des gens parmi vous qui disent avec fierté : je suis chrétien et le centre de ma foi, c’est Jésus crucifié ?
Peut-être qu’ils le disent en tremblant, parce qu’aujourd’hui encore c’est de la folie. C’est risible. Ça fait 2000 ans qu’on prêche une folie. Il y a eu des milliers de crucifiés. Mais je ne connais pas un seul grand personnage qui aurait été crucifié et dont on parle encore aujourd’hui.
Aujourd’hui on peut encore parler de la lumière, de l’amour, de la paix, même du sel, mais d’une mort qui sauve ???
Et pourtant ça reste le cœur de la foi chrétienne, parce que c’est là que la relation avec Dieu a basculé.
Ce qui est encore plus compliqué à comprendre pour nous que pour les Corinthiens, c’est que la mort du Christ, du messie, s’est faite dans un contexte sacrificiel, et pour notre culture, on ne sait plus ce que c’est qu’un sacrifice RITUEL.
- Offrir un agneau pour solliciter un pardon, c’est d’un autre âge !
- Sceller une alliance par le sang d’un sacrifice, ça se fait encore couramment parmi les peuples traditionnels, et même chez nos ados quand ils veulent marquer une amitié sensée durer pour toute la vie, mais quand on est adulte et responsable, c’est une idée qui ne nous effleure même pas.
- Que la vie soit dans le sang, oui, mais la société de consommation nous dit tout autre chose et sur tous les tons ; la vie est dans le plaisir, dans l’argent, dans la réussite, dans la nouveauté…
Achetez la voiture Alaxis, ça va vous changer la vie !
Mais la mort du Christ, est-ce que ça change ma vie ?
Ce n’est pas pour rien que le christianisme est en perte de vitesse. Ce n’est pas la seule raison. Mais pour le rationalisme, c’est un obstacle infranchissable qui éloigne beaucoup de gens de la foi chrétienne.
Quand donc Paul dit (et il le dit aussi à nous) : je ne veux savoir parmi vous qu’une chose, c’est Jésus le Messie et Jésus le Messie crucifié, on entend : oui, mais comment en vivre ?
Je le disais : La crucifixion a été le moment où tout a basculé : à l’époque, la relation du peuple de Dieu avec son Dieu s’était dégradée et là elle a été comme remise sur les rails.
Les sacrifices pour le pardon, à faire et refaire chaque année, devenaient obsolètes, car ils ont été remplacés par celui de Jésus, Fils de Dieu, capable d’effacer une fois pour toute le péché fondamental qui est de chercher à plaire à Dieu par l’observance stricte de la loi, gagner son salut et être juste devant Dieu, ce qui est un but inatteignable.
Dorénavant plus besoin de se sacrifier ou d’offrir des sacrifices, c’est fait une fois pour toutes et l’accès à Dieu est gratuit, c’est la grâce.
Du même coup, l’alliance de Dieu avec son peuple a été renouvelée dans le sang. Cette alliance que nous célébrons tous les dimanches dans la cène nous garantit la fidélité absolue de Dieu à notre égard.
Du même coup, la mort n’a plus le pouvoir de nous anéantir, puisque le Christ est ressuscité. Il est vivant, et ce qu’il a inauguré sur terre, c’est à nous de le poursuivre.
Il est remonté au ciel, en nous ouvrant l’accès au ciel, à Dieu, mais en même temps il vit en nous : je serai avec vous tous les jours, nous a-t-il dit. Il a fait de nous son temple, sa demeure. Et Paul l’affirme parce qu’il en fait l’expérience : ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.
Mes frères et sœurs : c’est vrai aussi pour nous !
Une strophe d’un de nos cantiques de Pâques le dit très bien : depuis qu’il a vaincu la mort, tout est changé dans notre sort : et le plus faible devient fort (Psaumes et Cantiques 319).
L’irruption du royaume de Dieu, c’est ce basculement-là : la sagesse du monde est folie pour Dieu, et ça devrait l’être pour nous aussi,
- le premier sera le dernier,
- soyez comme des enfants pour accueillir le royaume,
et comme l’a encore expérimenté Paul :
- lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.
Et on connaît le rayonnement de Paul. Cet homme qui a mis toute son énergie pour tuer dans l’œuf l’émergence de l’Eglise et qui a persécuté les premiers chrétiens a fini par évangéliser une grande partie du bassin méditerranéen.
Paul parle de ce rayonnement en faisant allusion à cette parole : vous êtes la lumière du monde.
Il l’explicite en disant : que la lumière brille dans l’obscurité (c’est à dire dans le monde) et c’est Dieu lui-même qui a brillé dans nos cœurs. Il a voulu nous éclairer en nous faisant connaître sa gloire, qui brille sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile (c’est à dire que c’est fragile) Et ainsi on voit bien que cette puissance extraordinaire vient de Dieu et non de nous. (2Cor, 4, 6-7)
Être des lumières dans le monde, ce n’est pas juste de la déco. C’est une autre qualité de lumière Nous le serons si nous-mêmes nous sommes éclairés par le Christ qui vit en nous. Et de ce fait, nous rayonnons d’une lumière qui n’est pas du monde, que Paul qualifie de puissance extraordinaire.
Et ce n’est pas hors de notre portée, puisqu’on n’y est pour rien. C’est la grâce pure.
Sauf que nous avons à accepter et mettre en œuvre le bouleversement des valeurs qui s’est opéré à la croix.
Voilà pourquoi Paul ne voulait savoir qu’une chose chez les Corinthiens, et cette chose était l’événement de la croix.
C’est facile, mais si ce n’est pas l’œuvre du Saint-Esprit en nous, ça restera, comme pour beaucoup de chrétiens, de l’ordre du savoir et non de l’expérience.
C’est ce que je souhaite pour chacun et chacune d’entre vous : que le Christ vous habiteet qu’il puisse ainsi rayonner à travers vous sa lumière, son feu.
En étant porteurs de cette lumière, vous ferez voir cette puissance extraordinaire qui vient de Dieu. Ça ne veut pas dire que vous allez faire des éclairs, ou des éclats. Mais votre rayonnement va toucher profondément les gens. Pas forcément en mettant des mots dessus, mais en étant une valeur sûre, même si autour de vous le courant est coupé.
- Il y avait des gens comme ça dans les camps de concentration,
- il y a des gens comme ça dans les hôpitaux,
- Il y a des gens comme ça dans des débâcles familiales…
Ces gens-là sont un trésor pour ceux qui les entourent et ils manifestent la gloire de Dieu. C’est bien pour cela que nous sommes sur la terre. Et j’espère que nous en faisons partie.