Ce sujet de la nourriture touche chacun. On mange tous trois fois par jour sans parler des snacks. Notre société très axée sur la santé nous enjoint de manger moins, plus équilibré, moins de sucre, moins gras, plus de légumes sans oublier les fibres … tout cela décliné en autant de régimes que vous voulez. En plus il faudrait que notre nourriture soit locale et produite de façon durable. Il y a là bien plus que 10 commandements !
Et la bible, elle dit quoi de tout ça ?
Cette prédication de Luc Badoux va nous permettre d’y voir plus clair.
Dans le Lévitique et le Deutéronome, Dieu adresse des interdits alimentaires à son peuple. Dieu ordonne cette discipline de vie pour créer un peuple saint, un peuple à part qui lui soit consacré. Israël va ainsi se distinguer des peuples alentour. La nourriture casher devient un signe distinctif qu’Israël appartient à Dieu, à un Dieu jaloux qui demande la fidélité à son peuple. Manger casher pour les Juifs, c’est une manière d’inviter Dieu à table, de lui faire une place dans cet acte qu’on répète plusieurs fois par jour.
Dans les interdits alimentaires d’Israël il y a aussi une manière d’humaniser notre rapport à la nourriture. On ne mange pas comme des bêtes. On ne se jette pas sur la nourriture comme des fauves. Dans l’interdiction de cuire le chevreau dans le lait de sa mère, l’idée est de séparer le lait porteur de vie, de la viande qui est liée à la mort d’un animal.
Mais tous ces interdits ont des implications sociales. Ainsi l’apôtre Pierre, comme tout Juif de son époque, ne peut pas partager la table avec des étrangers. Il ne peut ni entrer chez eux ni manger avec eux, pas même avec ceux qui craignent le Dieu d’Israël, qui le prient et qui lisent la Torah. Les prescriptions alimentaires que Pierre doit respecter l’obligent à se tenir à l’écart des Romains ou des Grecs qui sont devenus croyants. Respecter ces prescriptions, c’est séparer les chrétiens et les humains en général entre les purs et les impurs.
Par la vision qu’il accorde à Pierre ( Actes 11.1-18), Dieu renverse la table. Il balaie de très anciennes habitudes. Pierre peut dès lors entrer chez Corneille et partager la table avec lui.
D’un peuple qu’il avait mis à part et qui devait rester séparé, Dieu fait un peuple mis à part pour renouveler toute l’humanité. Il en ressort une leçon essentielle : Pour être le sel de la terre, les croyants doivent se mêler aux autres, se mêler à leurs fêtes et manger avec eux, manger avec les païens. Le bouleversement est majeur.
Qu’en est-il au 21ème siècle ? Une bonne moitié des habitants de notre terre continue de regarder les autres manger en les considérant comme impurs. Les Juifs mangent casher, les musulmans halal et certains boudhistes et hindous sont véganes. Dans ces grandes religions, la nourriture reste un marqueur très important qui permet de distinguer entre les purs et les impurs.
Ne pas manger de porc, ne pas boire d’alcool, respecter le ramadan, manger végane, c’est contraignant, mais ça constitue des marqueurs très puissants pour dire une appartenance communautaire. Cela donne de la cohésion à une communauté religieuse mais ça exclut de façon forte ceux qui mangent différemment.
Qu’en est-il pour nous chrétiens ? Y a-t-il des aliments interdits ou obligatoires ? Des nourritures permises ou encouragées ?
Je vous propose d’y réfléchir à partir de la révélation que reçoit Pierre.
« Tu peux manger de tout. Il n’y a plus pour toi de nourriture impure. Se mettre à table doit devenir pour toi une occasion de rencontrer les autres et pas une barrière entre eux et toi. » Voila le message que Dieu adresse à Pierre. Ce message, Paul l’exprimera en disant : Il n’y a plus ni Juif, ni Grec mais seulement des humains invités les uns et les autres aux noces de l’agneau.
Cela a des conséquences majeures sur notre manière de nous nourrir :
- Chers frères et sœurs, on peut manger de tout. Sans tabou. On peut partir à la rencontre d’autres cultures et se mettre à table avec eux en toute liberté. Dieu vient décompliquer notre rapport à la nourriture. Notre fidélité à lui ne se joue pas dans le fait de prendre tel ou tel aliment.
- La nourriture était un lieu de séparation entre Juifs et païens. Dieu enlève cette séparation en écartant la notion de pur et d’impur qui était attachée à la nourriture. Notre manière de manger ne doit pas être un lieu de démarcation religieuse avec les autres. Ce ne doit pas être un lieu d’exclusion des autres ou de soi-même.
Je propose même d’aller un peu plus loin. Je me souviens qu’à 4 ans, un de nos enfants était rentré en pleurs de l’anniversaire d’une copine. Pourquoi ? Il y avait de la pizza. Et elle n’était pas casher. C’est-à-dire qu’elle n’était pas comme maman la faisait. Elle n’était pas comme d’habitude. C’était désécurisant. S’en sont suivies 10 ans de batailles homériques pour sortir de ce rapport compliqué à la nourriture. Je ne sais pas ce qui se trouve derrière les peurs et les dégoûts que nous pouvons éprouver en relation avec de la nourriture. Moi, j’ai connu ça avec le gras dans la viande chez mes grands-parents paysans. Et je ne serai pas très à l’aise tout à l’heure au repas communautaire si vous me mettez une tête de mouton dans l’assiette ! C’est légitime d’avoir des préférences ou de ne pas aimer les choux de Bruxelles. L’enjeu n’est pas d’aimer le gras ou le céleri. Chacun ses goûts. Mais pour les parents que nous avons été, il était important que notre fils puisse aller à un anniversaire sans craindre ce qu’il aurait à manger. C’était important qu’à l’idée d’un repas, la joie de la rencontre soit plus forte que la peur de la nourriture. Nous ne voulions pas que, pour nos enfants, la nourriture soit une barrière mais qu’elle soit un trait d’union. Et il me semble là qu’on rejoint la vision que l’apôtre Pierre a reçue de Dieu qui est venu enlever des tabous et décompliquer le rapport à la nourriture. Tant qu’à se distinguer des autres, que ce soit pour les choses essentielles.
Comme à l’époque des premiers chrétiens, beaucoup de choses se jouent aujourd’hui autour de la nourriture. Je l’ai dit :
- on veut une nourriture saine
- on veut une nourriture qui respecte l’environnement
- on se questionne sur notre rapport au monde animal
Il est bon de se questionner sur ces différents aspects de notre alimentation. La production industrielle de nourriture échappe à nos regards. Souvent on ne connaît ni la composition de ce que l’on mange, ni l’origine des ingrédients, ni le traitement qui est réservé aux animaux. Cela soulève des vraies questions pour qui veut respecter la création de Dieu. Mais dans tout cela, rappelons-nous le message de Paul à propos de la viande sacrifiée aux idoles : ce n’est pas un aliment qui nous rapprochera de Dieu. Et il ajoute : nous ne perdrons rien si nous n’en mangeons pas, et nous ne gagnerons rien non plus si nous en mangeons.
Chers amis, veillons à ne pas imposer aux autres notre régime comme le seul légitime. Si devant Dieu il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, il n’y a certainement pas non plus de carnivores, de végétariens et de véganes.
Soyons attentifs à cela à l’heure où la manière de se nourrir prend pour certains les aspects d’une religion, avec l’idée que certains en mangeant font le bien et d’autres le mal ; ça peut vite conduire dans nos têtes à une séparation entre purs et impurs.
Soyons attentifs aussi à ne pas tomber dans le jugement en regardant les autres manger différemment de nous. Ceux qui font attention de manger sainement risquent de se sentir supérieurs à ceux qui mangent du fast food. Et les bons vivants risquent de juger ceux qui font des régimes. Et ceux qui font des régimes risquent de juger ceux qui ont des kilos en trop.
Jésus, lui, nous dit : « Il n’y a rien de ce qui est extérieur à une personne qui puisse la rendre impure en entrant en elle. Mais ce qui sort d’une personne, les paroles et les jugements qui naissent dans son cœur, voilà ce qui la rend impure. »
La sainteté ne se joue pas dans notre assiette ou au bout de notre fourchette, mais dans nos coeurs.
Chers amis, que l’on soit végane ou carnivore, puissions-nous en prendre de la graine ou en faire notre beurre ! Et demandons à Jésus, notre Seigneur, un regard sur les autres et leur manière de manger qui soit libre de jugement et de sentiment de supériorité. Que notre rapport à la nourriture ne mette pas de barrière entre les autres et nous mais qu’elle soit un trait d’union.
Amen
Textes bibliques de référence pour cette prédication :
Lév 11.1-8
Marc 7.14-19
Actes 11.1-18
Romains 14.1-4